dimanche 25 mars 2012

Annulation de la déclaration d'utilité publique pour la déviation Arnage Ponthibault : décryptage

Avertissement : ce billet se fonde à ce stade sur la connaissance du dossier que révélé le suivi des médias (LMTV + Maine Libre). La lecture du jugement rendu ferait peut-être naître des conclusions complémentaires. Les médias donnant la parole aux acteurs du procès, mais ces derniers n'étant pas des spécialistes du droit administratif, il s'agit pour moi d'apporter ma contribution à l'information de la population sans prendre parti sur le fond du dossier. Ce qui ne m'interdit pas de livrer ma pensée personnelle sur la généralité de ce genre d'affaires. Et je croise les doigts pour que mes lecteurs fassent la différence entre propos général et jugement sur un cas précis !

Si la question est « doit-on réaliser une déviation » ? Les décideurs politiques ont une nette tendance à dire oui. Tout d'abord, il est indéniable que les associations d'habitants des rues impactées par les circulations à dévier constituent une très forte pression. Ils sont toujours beaucoup plus nombreux que les quelques irréductibles défenseurs des bois. En démocratie, c'est le nombre qui l'emporte, pour le meilleur et pour le pire.
Ensuite, le développement économique et territorial qui se nourrit des axes routiers est laissé à l'appréciation des élus locaux, même si la suppression de la taxe professionnelle aura au moins appris aux élus que leur richesse n'est pas forcément celle là.

En revanche, si la question est « cette opération est-elle d'utilité publique » ? C'est bien différent, car le droit français fait de plus en plus de place à l'impact des opérations d'aménagement sur le cadre de vie et l'environnement.

Une opération ne peut légalement être déclarée d'utilité publique que si elle présente plus d'avantages que d'inconvénients. Les tribunaux exercent depuis quelques années un contrôle très pointu de ce bilan coûts/avantages. Les inconvénients financiers et environnementaux peuvent ainsi peser très lourd devant les juges, car ils sont plus que jamais dans l'air du temps (entrée de la charte de l'environnement dans le préambule de la Constitution, Lois Grenelle, dettes publiques galopantes).

Certes, le TA de Nantes vient d'annuler l'arrêté préfectoral du 29 octobre 2008 pour une question de forme, l'insuffisance du dossier soumis à l'enquête publique. Et le Conseil Général est en droit de dire que « le TA n'a pas condamné l'utilité publique du projet ». A mon avis, on aurait dû ajouter un « encore » dans la phrase. Le TA n'a pas « encore » condamné l'utilité publique du projet.

Ce qu'il faut savoir : le juge administratif pratique l'économie de moyens, c'est-à-dire que pour répondre à la question de savoir si un acte est illégal, il commence par contrôler les arguments de forme et de procédure. Dès qu'il en trouve un convaincant pouvant justifier à lui seul l'annulation, il ne va pas plus loin. C'est à dire qu'il ne répond pas du tout sur le fond.
De toute façon, la procédure d'élaboration de l'acte doit être reprise à son début. Or, les éléments de fond peuvent avoir évolués considérablement entre la première procédure et la nouvelle (cadre législatif, coût des travaux etc). En l'espace de 5 ou 6 ans, la présence des zones humides et des zones inondables est plus contraignante. C'est exactement ce que laisse entendre Mme Bibard « si l'utilité publique venait à être (de nouveau) adoptée, le projet d'une déviation devra tenir compte de la société et des nomenclatures qui changent et des lois qui évoluent ». Sous-entendu, ça sera encore plus compliqué. L'examen futur de la légalité au fond de la dup, si elle est renouvelée, promet d'être à suspens.

En effet, la procédure qui a manqué est ni plus ni moins l'insuffisance des informations permettant de mesurer pleinement le fameux bilan coûts/avantages. Le commissaire enquêteur aurait écrit dans son rapport que « des études devraient être menées, notamment hydrauliques ». Le juge rapporteur du TA a carrément déclaré que « le dossier occulte la vallée du Rhonne, alors que la route la traverse et que la zone est inondable ». On remarque donc que le commissaire enquêteur analysant un dossier pourtant incomplet ne comportant même pas des éléments en défaveur du projet, a déjà émis un avis favorable avec réserves.

Alors imaginons, que les études hydrauliques (coûteuses) soient menées, elles pourraient prescrire des aménagements supplémentaires à construire pour la bonne gestion des eaux. Ce qui implique une augmentation certaine du cout du projet. Celui-ci se chiffrait déjà à 7,9 Millions d'euros en 2008.
Si ce projet se poursuit, le juge aurait donc à examiner le même dossier avec cette fois la mise en lumière des problématiques des eaux, et un cout plus important probable. Mais d'un autre côté, la découverte d'un supplément d'enjeux favorable (développement économique ?) pourrait contrebalancer le bilan moins favorable que celui initialement envisagé. Et nul ne peut prédire quelle serait finalement la décision des juges. Ils pourraient très bien considérer que le projet n'est pas excessif par rapport aux zones humides et aux bois traversés.

Les élus peuvent regretter cette situation en déclarant que « l'utilité publique de la déviation n'est pas contestable ». Mais le fait est que cette déviation là est contestée, et le sera à nouveau devant le même tribunal si le même projet est relancé.

Alors, qu'il faille une déviation, c'est assez évident. Qu'elle puisse se faire sur ce tracé est par contre moins évident. Dans l'hypothèse d'une seconde annulation par le tribunal, faisons confiance aux élus concernés pour trouver des itinéraires ailleurs. Rien n'interdit d'espérer.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

"Qu'il faille une déviation, c'est assez évident" ... pour le représentant et l'élu des hommes que vous êtes. Effectivement, beaucoup partagent votre avis. Mais la planète n'est pas peuplée que d'hommes. Et par son intelligence d'être dit évolué, l'homme a la responsabilité de protéger toutes les autres espèces animales et végétales qui n'ont pas droit à la parole.
Si cette déviation est attendue par certains riverains, je peux vous assurer que dame Nature, si elle pouvait s'exprimer, ne serait pas du tout du même avis.
Par ailleurs, il est bien triste de constater que ce projet n'est très efficace que pour gaspiller l'argent publique ... et celui des futurs usagers de cette déviation.
Le gaspillage est donc programmé au moins à double titre : 10 M€ pour que cette déviation n’absorbe que quelques pourcents du trafic (effet prévisible et annoncés par l’administration) d’une part, et augmentation de la consommation de carburant (et de la pollution associée) des usagers qui auraient donc tord de l’emprunter.
Je propose une solution beaucoup moins invasive : avec le cinquième du budget envisagé ci-dessus, il me semblerait possible dans les traversées d’Arnage et de Moncé, de remplacer les ouvrants des façades des maisons riveraines pour renforcer sérieusement leur protection phonique. Autre solution complémentaire : revenir à un revêtement de route de type “enrobé” pour remplacer les zones où ont été utilisés, de façon pas très judicieuse, béton désactivé et pavés (très bruyants sous le passage des voitures). Enfin, je constate régulièrement que des poids lourds continuent de traverser Arnage alors qu’ils sont en transit et que ce passage leur est interdit.

En résumé, occupons-nous sérieusement de la préservation de notre environnement naturel. Nous, et nos descendants, avons beoin de lui.

Je considère que cette déviation est un drame pour notre avenir à long terme. Elle ne doit voir le jour, ni dans les bois de Moncé, ni ailleurs.

Anonyme a dit…

Cela fait plus de 20 ans maintenant que les riverains d'Arnage et de Ponthibault attendent cette déviation qui n'est en réalité que la dernière tranche logique de la déviation Sud-Est achevée elle, en 1983. De nombreux tracés ont été étudiés, et lorsqu'en 2007 le Conseil Général initie une enquête d'utilité publique, le choix se fait sur l'un des 3 tracés proposés n'impactant que 2 habitations, (dont une inhabitée) traversant bien sûr des terres mais, "de faible valeur agricole et surtout des landes et des bois sans destruction d'espèces spécifiques". Il est bon de se reporter aux termes mêmes de l'étude du commissaire enquêteur cela permet de débusquer certaines contre vérités que l'on entend ici ou là. Il est clair qu'au stade de la déclaration d'utilité publique de 2008, la préconisation d'une étude hydraulique approfondie reconnaissait la spécificité des terres inondables à traverser. Cette déviation aurait-elle été la seule où des difficultés de ce genre se présentent ? En 2008, le coût de l'opération était estimé à 7,9 millions d'euros " sont incluses les mesures en faveur de l'environnement pour 969 000 euros". Bien sûr nous sommes en période de crise et l'on sent combien joue en notre défaveur la situation économique actuelle. Pourtant c'est bien aussi de l'intérêt économique du projet dont il faut parler. Plus que jamais, et l'on s'en rend compte au nombre croissant des poids lourds qui journellement viennent de la route du Lude et rejoignent la Belle-Etoile (et inversement) en empruntant un parcours aberrant, il devient nécessaire de relier l'A 11 à l'A 28. Dans une perspective de développement économique du Pays du Mans (SCOT) qui se voudrait à long terme, ce projet tel qu'il est, offre plus d'avantages que d'inconvénients. Alors un autre tracé ? Un autre projet ? Nous en reviendrons toujours aux notions d'utilité publique et d'intérêt général. Monsieur le Commissaire Enquêteur avait judicieusement prévu "des grincements de dents, notamment de la part des défenseur de l'environnement". Il faut donc croire que l'intérêt général des riverains d'Arnage et de Ponthibault doit s'effacer devant des intérêts particuliers et que la dégradation d'un environnement urbain n'entre pas en ligne de compte. Défendre l'environnement et la nature c'est aussi voir où est l'intérêt du plus grand nombre tout en veillant à un respect justifié du milieu naturel.
Jocelyne PINON, Présidente de l'ASDEN
(Association Sarthoise de Défense de l'Environnement et de la Nature)