mercredi 15 juin 2022

Quand l'islamo gauchisme de Grenoble finit par autoriser les shorts en piscine, ou comment certains font passer la sécurité après la religion

Quand on me demande : "c'est quoi l'islamo-gauchisme ?", "ça n'existe pas?" , "c'est une croyance ?" Je ne suis jamais aculé pour répondre, seulement ça me prend un peu de temps, il est vrai. Mais, depuis quelques semaines, grâce à Eric Piole et à ses amis bisounours, désormais la réponse est rapide : l'islamo-gauchisme c'est quand des élus bienpensants (il peut s'agir aussi de profs d'université réunis en collèges délibératifs) tordent le cou à une règle générale de sécurité pour favoriser délibérément un communautarisme religieux, croyant défendre une liberté. C'est ce que le Tribunal administratif de Grenoble a fait apparaître avec éclat le 25 mai 2022. Au-dessus de lui, il y a le Conseil d'Etat, qui vient d'entendre les parties en présence. Pendant ce temps, en France les extrêmes se renforcent scrutin après scrutin...


Le président de l’audience a rappelé que l’on était là dans un contexte tout différent de celui des « arrêtés anti-burkinis »  sur les plages en 2016, puisqu’ici « il ne s’agit pas d’interdire mais d’autoriser, dans le cadre d’un règlement intérieur et non dans celui de la police des plages ». Il a également rappelé, en introduction, la décision du Conseil d’État du 11 décembre 2021 sur les menus de substitution dans les cantines scolaires, rendue après que le maire de Chalon-sur-Saône eut interdit les menus de substitution dans les cantines de la ville. Le Conseil d’État avait alors jugé que les menus de substitution ne sauraient être rendus obligatoires dans les cantines scolaires, qui sont un service public facultatif (à la différence, par exemple, des cantines de prisons), et que les usagers n’ont aucun droit à exiger de tels menus. Mais que, par ailleurs, les gestionnaires de ces services publics ont le droit « d’adapter »  les menus :  pas d'obligation, pas d'interdition, donc.

On notera que l'’avocat de la Ligue pour le droit international des femmes a été le seul à mettre sur la table la question des droits des femmes. « Curieuse liberté que cette liberté conditionnelle qui oblige les femmes à se baigner habillées ou à être assignées à résidence », a-t-il tonné, estimant que la notion « d’ordre public »  comprend également celle « de la dignité de la personne humaine », notamment des femmes. Il a défendu l’idée que le caractère « très ostentatoire »  du burkini en faisait un instrument de « prosélytisme religieux », ce qui est « prohibé dans les services publics »  – arguant que le choix d’un menu sans porc dans une cantine n’a, au contraire, rien d’ostentatoire. Enfin, il a repris l’argument de la préfecture : « Le short de bain est interdit, et la robe du burkini est autorisée ? Comment justifier d’une telle discrimination ? ». 

La préfecture a, elle aussi, repris l’argument d’une forme de « prosélytisme » : « La mairie de Grenoble joue avec le feu. Deux jours après la décision du conseil municipal, deux jeunes filles se sont présentées dans un lycée de la ville en tenue religieuse. Elles ont été rappelées à l’ordre par la proviseure. Le lendemain, 12 autres lycéennes et lycéens ont fait de même, et le nom et l’adresse de la proviseure ont été publiés sur les réseaux sociaux. Voilà pourquoi cette affaire est grave ! ». 

Le président de la cour, à la fin des débats, a annoncé qu’il rendrait sa décision « dans les plus brefs délais ». Elle sera importante car elle fera jurisprudence. L’avocat de la ville de Grenoble a d’ores et déjà indiqué, pendant l’audience, que si le Conseil d’État suivait les arguments du tribunal administratif, il suffirait donc à la ville de modifier le règlement des piscines et d’autoriser les shorts pour que « tout aille bien ». 

Sauf que non, tout n'ira pas bien puisque les shorts sont de plus en plus interdits pour des raisons sanitaires et de sécurité (entrave dans les actions de secours). Tiens au fait, depuis quelques temps, les shorts sont interdits à la piscine d'Ecommoy, de même que toutes les tenues non près du corps.

1 commentaire:

J.E. a dit…

Ce fut l'un des sujets de philo au bac, me semble-t-il ; jusqu'où va la liberté ?
La société française n'est-t-elle pas en train de se fracturer en 2 : les 2 extrêmes ?
Ne doit- on pas regarder également "l'esprit" des lois au regard des textes?