Je n'ai pas pour habitude de reproduire un article, mais il me semble important que mes lecteurs voient ici que les propos viennent de "tout en haut". Un billet d'info de l'Association des Maires de France.
Le Premier ministre demande aux préfets de serrer la vis, par-dessus la tête des maires
Dans une circulaire signée le 24 août, le Premier ministre, Jean Castex, donne une première concrétisation de l’annonce faite au lendemain de la convention citoyenne pour le climat : le moratoire à venir sur l’implantation de nouveaux centres commerciaux. On est toutefois bien loin du « couple maire-préfet » pourtant mis en avant par le même Jean Castex : dans la droite lignée du précédent, le gouvernement souhaite donner tout le pouvoir aux préfets en la matière, sans que les maires – qui ne sont même pas cités une seule fois dans la circulaire – aient voix au chapitre.
Cela devient une habitude : fin juillet 2019, déjà, une circulaire dédiée à la lutte contre l’artificialisation des sols provoquait la colère de nombreux élus, en appelant les préfets à « mobiliser tout l’éventail de leviers réglementaires » pour bloquer les documents d’urbanisme (PLU, PLUi, SCoT) n’allant pas dans le sens d’une « gestion économe de l’espace ». Cette volonté bien peu décentralisatrice se retrouve à l’identique dans la circulaire publiée un an plus tard, toujours consacrée au « zéro artificialisation nette » des sols, mais axée cette fois sur les implantations commerciales.
Ce sont cette fois les décisions des CDAC (commissions départementales d’aménagement commercial) que le gouvernement appelle les préfets à scruter, estimant que ceux-ci doivent « faire preuve de la plus grande vigilance dans la conduite des procédures d’instruction » – comme si, là encore, les décisions prises par les élus étaient forcément matière à suspicion.
Rappelons que les CDAC, si elles sont présidées par les préfets, sont composées en grande partie d’élus (représentant des maires et des intercommunalités), certains étant permanents et d’autres représentant la zone de chalandise concernée par un projet spécifique. Pour chaque projet, sont appelés à participer à la CDAC le maire de la commune d’implantation et le président de l’EPCI concerné, ainsi que les présidents de la région et du département.
Certes, le Premier ministre reconnaît que « dans l’ensemble, les commissions départementales ont intégré les principaux enjeux et critères » de la politique de lutte contre l’artificialisation des sols. Mais il note qu’une « amélioration est possible et souhaitable ». Jean Castex appelle donc les préfets à faire usage de tous les moyens pour bloquer les projets qui ne seraient pas conformes aux attentes du gouvernement : « contrôle de légalité sur les documents d’urbanisme », « faculté de suspension de la procédure devant la CDAC », possibilité d’exercer un recours administratif ou contentieux une fois la décision de la commission rendue.
Il est rappelé dans la circulaire que le service instructeur local doit obligatoirement présenter à la CDAC un rapport faisant état de l’impact d’un projet en termes d’artificialisation. Les préfets devront désormais « insister auprès des membres de la commission sur les enjeux de la lutte contre l'artificialisation des sols et rappeler les critères liés à une gestion économe de l'espace figurant dans la loi ».
Mais surtout, le Premier ministre regrette que le nombre de décisions des CDAC contestées par les préfets devant la commission nationale (CNAC) « demeure très faible ». Il rappelle aux représentants de l’État dans les départements qu’ils sont « les garants de l'application des politiques publiques et du respect des objectifs ainsi définis sur l'ensemble du territoire national ». Il leur demande donc de « saisir la CNAC chaque fois que la création d’un nouvel équipement commercial ou une extension est autorisée en CDAC alors que le projet ne (leur) semble pas respecter l’objectif de zéro artificialisation ». Jean Castex demande même aux préfets de fournir aux administrations centrales un « bilan statistique trimestriel » des recours qu’ils ont exercés, ce qui sonne comme une franche incitation à aller le plus possible au contentieux.
Faut-il voir là une suite de « la tentative de reprise en main sur les décisions des maires en matière d’aménagement du territoire », comme le dénonçait, l’année dernière, le président de l’Association des maires du Loiret, Frédéric Cuillerier ? On est en droit de se poser la question.
Franck Lemarc
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