mardi 1 avril 2025

Quand le Sénat sème le trouble dans les communes et les intercommunalités au lieu d'apporter de la sérénité

A quelques semaines de l'arrêt de projet du SCOT pour le Pays du Mans intégrant le Zéro artificialisation net (ZAN) et donc à quelques mois de l'enquête publique pour 315 000 sarthois, le Sénat brouille toutes les réflexions entamées depuis plusieurs années. Mais ce sera en vain car l'Assemblée Nationale ne le laissera pas faire. Je rapporte ici les excellents articles de la presse spécialisée collectivités locales :

Le Gouvernement a jugé que la suppression de l’objectif intermédiaire (2030) « n’incite pas les collectivités à faire évoluer rapidement leurs documents d’urbanisme, et peut conduire à une concurrence néfaste entre les territoires », a-t-il expliqué, jugeant la réintroduction d'un objectif intermédiaire « indispensable ».

"L’Assemblée « ne laissera pas faire ça » 

À gauche, le groupe écologiste du Sénat a accusé la majorité sénatoriale de la droite et du centre de vouloir « signer un blanc-seing et un permis de bétonniser »  qui « va pénaliser les élus locaux sérieux qui font des efforts pour tenir les objectifs ». « Une loi à contre-temps, une prime pour les mauvais élèves, contre la souveraineté alimentaire, faisant de la lutte contre les inondations un objectif secondaire », a dénoncé le sénateur écologiste de la Loire-Atlantique Ronan Dantec.

Sur la même ligne, la députée Renaissance du Finistère Sandrine Le Feur – qui mène à l'Assemblée une mission d’information sur le sujet, dont le rapport devrait être publié début avril – promet de ne pas en rester là. Celle qui est aussi « agricultrice bio »  a ainsi déploré sur X « un détricotage inadmissible du Zan ». « On ne laissera pas faire ça à l'Assemblée », a-t-elle écrit, alors que les députés devraient s'emparer du texte d’ici l’été.

« Après des années de travail, on demande aux élus locaux de revoir entièrement leurs copies »  via une « multiplication des dérogations, [une] artificialisation incontrôlée… ». Or, « les élus locaux ne nous demandent pas de supprimer le Zan, ils nous demandent de les accompagner financièrement et d’avoir un appui technique […]. Et c’est sur quoi nous travaillons à l’Assemblée », a-t-elle justifié.

Le gouvernement se retrouve donc dans une position d’équilibriste entre les différents pans de sa fragile « majorité »  parlementaire qu’il doit ménager. Face à l’équation délicate, le ministre de l’Aménagement du territoire, François Rebsamen, a donc salué, dans un communiqué, « les assouplissements utiles »  du texte afin que « le Zan ne soit plus perçu comme une contrainte mais comme un levier de développement ». Il a toutefois fait part de sa « confiance dans la navette parlementaire pour bâtir un dispositif qui concilie le nécessaire développement des territoires et le respect d’une trajectoire de sobriété foncière ».


Surtout l'éditorial de Nicolas Braemer publié le 27/03/2025 dans la Lettre du Cadre Territorial :

"À force de répéter qu’ils étaient les représentants de la sagesse et des collectivités, on a failli croire les sénateurs. L’enterrement en grande pompe du ZAN nous montrent qu’ils ne sont surtout pas représentants de l’intérêt général. Quant à la sagesse, on repassera.

Le texte lunaire voté par les sénateurs dans leur volonté d’enterrer définitivement le ZAN nous apprends un certain nombre de choses sur la décision politique en ces temps troublés.

On passera sur la capacité humaine à préférer foncer dans le mur climatique plutôt que d’envisager sereinement les douloureux choix à opérer pour tenter de sauver la planète et ce(ux) qui l’habitent. Après, tout, les dérives de la dette nous l’ont appris, ce n’est pas comme si on découvrait que les politiques préfèrent la fuite en avant à la responsabilité.

Mais on peut tirer d’autres enseignements. D’abord, ce n’est pas parce que le Sénat est le « représentant des collectivités locales » qu’il représente l’intérêt général. Ça apparaît de façon lumineuse, les élus de la haute assemblée, mode de scrutin oblige, veulent avant tout faire plaisir aux petits maires. Et un maire + un maire + un maire, ça ne fait pas l’intérêt général. Après la compétence eau, le coup du ZAN nous montre qu’un lobby est un lobby, même si c’est un maire (qui peut lui-même servir des lobbies… Bref).

Ensuite, représenter les collectivités n’assure pas, contrairement à un discours bien rôdé, qu’on ponde des textes opérationnels et bien ficelés (sous-entendu, contrairement aux bureaucrates des administrations centrales). Les Sénateurs, dans leur croisade anti ZAN, n’ont écouté que ceux qu’ils voulaient bien entendre, encore une fois leur clientèle électorale. Mais ni les urbanistes, ni les territoriaux, ni les praticiens et animateurs des SCOT… bref, surtout pas celles et ceux qui ont les mains dans le cambouis et seront chargés, demain, de mettre en œuvre ce trésor de n’importe quoi législatif.

Résultat, au lieu d’avoir du courage politique et d’assumer d’abroger purement et simplement le principe du ZAN (comme disait le sénateur Dantec, « pourquoi voter une loi ZAN III puisqu’il n’y a plus de ZAN »), les sénateurs ont pondu une bouille de texte sur laquelle les opérateurs de terrains ( et in fine les maires, ce qu’ils n’ont visiblement pas envisagé), n’ont pas fini de s’arracher les cheveux.

Bref, tout dans cette histoire démonte le mythe de la sagesse sénatoriale et nous incite à espérer vivement que l’Assemblée nationale reprenne la main et mette un peu de raison dans cette affaire."

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