samedi 20 février 2016

Le référendum local sur Notre Dame des Landes est tout à fait possible, contrairement à ce que clame la presse

Même s'ils n'emploient pas toujours les bonnes explications de texte, le Président de la République et le 1er Ministre ne sont pas constamment à côté de la plaque. Ils disposent de nombreux éminents juristes à leur côté. Du moins, j'espère qu'il en reste auprès d'eux. Au pire, je veux bien qu'on leur communique mon n° de portable. Mais non, ils n'en auront pas besoin, car un référendum local est possible pour sortir de la crise Notre Dame des Landes.


Certes, le Président fait mine de se tromper quand il annonce qu'il va y avoir un référendum local, car effectivement il n'a pas le pouvoir d'en décider en raison du principe constitutionnel d'autonomie des collectivités locales. Et d'un autre côté, aucune collectivité locale dans cette affaire n'a le droit de faire trancher par ses électeurs la question de la décision de mener à bien le projet ou pas, puisqu'il s'agit d'un projet national du ressort de l'Etat et non des collectivités.
 
En revanche, chacune des collectivités qui a des délibérations à prendre pour financer ou faciliter ce projet (acquisition, aliénation ou mise à disposition de terrains par exemple), est tout à fait compétente pour y renoncer. Or, elles sont nombreuses, et constituent 44% du projet d'un total de 561 Millions d'euros.


Le financement des collectivités de 115,5 millions d'euros est réparti ainsi :
Région Pays de la Loire 35 % (40 millions),
Région Bretagne 25 %
Département Loire Atlantique  20%
Nantes Métropole 15,5%
Carene (com. de communes autour de St Nazaire) 2,5%
Cap Atlantique (com. de communes autour de La Baule) 2%
 
Votés en octobre 2010 pour 115,5 millions d’euros « d’avances remboursables » à Vinci, c'est-à-dire des prêts sans intérêt, ces prêts sans intérêt sont sous clause de « retour à meilleure fortune », c'est-à-dire qu’ils seraient remboursés par Vinci aux collectivités si les bénéfices de l’exploitation aéroportuaire sont supérieurs aux bénéfices prévus. Mais, les bénéfices prévus sont très élevés. Il est donc tout à fait improbable que ces avances remboursables soient un jour remboursées. Dans son plan de financement, Vinci parle d’ailleurs de subventions de provenance des collectivités et non pas d’avances remboursables
 
On pourra déduire de la réponse après une campagne électorale locale éclairante portant inévitablement sur le bien fondé du projet, qu'au travers de la subvention accordée ou refusée, c'est un rejet ou une approbation que les électeurs ont exprimé.
 
En revanche, il serait impossible de faire voter plusieurs collectivités exactement sur la même question. Chacune pourrait voter sur sa participation, en indiquant précisément le montant de subvention proposé au centime prêt, car cela conditionne évidemment le consentement à la décision, comme en toute matière financière. A la limite, un Département qui n'aurait pas jusqu'alors été concerné par une participation, pourrait soumettre un projet de versement d'une contribution exactement équivalente à celle du Département principalement concerné. Ceci poserait en outre un autre problème de droit qui est celui de la légalité d'une subvention qui doit être "d'intérêt local". Ce problème ne serait pas insurmontable car selon la localisation du projet d'aéroport par rapport à la collectivité, elle peut y voir des retombées pour elle. La jurisprudence administrative n'est pas trop exigeante dans ce domaine.
 
On le voit donc, le référendum pose surtout un problème de périmètre sur un plan politique, mais pas juridique. Chaque collectivité étant libre de refuser de l'organiser, on pourra toujours contester des résultats qui ne porteraient pas sur un périmètre assez large, ou inversement contester le fait que certaines collectivités se soient invitées dans le débat à l'occasion d'une participation financière peu importante.
 
Habile sur le plan politique, la manœuvre est une véritable boîte de Pandore !

Sébastien GOUHIER.
 

3 commentaires:

AURY a dit…

Monsieur Gouhier
Très bon article, les citoyens concernés sur leur territoire s'exprimerons en toute démocratie sur le maintien ou le rejet de cet aéroport, infrastructure vecteur d'un dynamisme économique facteur d'emploi indispensable pour l'Ouest de notre pays.

Mais je souhaite savoir sur un autre sujet, (qui va peut être faire l'objet d'un de vos prochains billets), votre point de vue sur une "possible" hausse des impôts communautaires.

VOTRE PRESIDENTE prépare les citoyens à cette hausse d'après le dernier Débat d'Orientation Budgétaire de notre Communauté de Communes. De possible, il n'y a qu'un pas pour que cela devienne probable puis enfin décidé dans le dos de vos administrés lesquels sont totalement absents du "bien fondé" des investissements prévus par les élus communautaires.

Quel est votre sentiment? voterez oui ou non ou utiliser abstention devant cette augmentation déjà annoncée des impôts qui réduira encore sensiblement le pouvoir d'achat déjà étriqué de vos administrés ?

Recevez mes sentiments respectueux.
Patrick AURY

alain DECUQ a dit…

Consultation, référendum,??? "that is the question". Nous comprenons tous que , quelque soit le résultat, la gent politique saura, très habilement en effet , en tirer profit.
Mon point de vue est le suivant:
Si je me souviens de mes cours de droit (et je compte sur vous M.le MAIRE pour expliquer mon erreur si c'est le cas),pour donner une force contraignante à une consultation (laquelle permettrait de toute façon de savoir l'avis des électeurs sur un périmètre quelconque), il faut une loi.
Et, comme pour SIVENS(tarn) dans mon département natal, les juristes du gouvernement vont nous concocter une ordonnance de démocratie environnementale qui autorisera qu'une consultation sur un périmètre réduit et même pour un projet de la compétence de l'état,revienne à légitimer l'organisation d'un référendum local.
C'est un peu l'avis de M.Mathieu votre confrère professeur à la SORBONNE( reporté par les échos jchauveau@lesechos.fr))
Ma conclusion:
Quand les constitutions de nos vieilles démocraties s'étiolent,faute de renouvellement du personnel politique, les lois qu'elles enfantent se peuplent d'arguties ... comme autant de puissants paratonnerres!!!!

alain DECUQ a dit…

Bonjour Monsieur GOUHIER,
Revenant sur le référendum concernant l'aéroport de Notre Dame des Landes, vous avez certainement noté que notre gouvernement vient de suivre l'avis de M.MATHIEU, comme je vous disais le pressentir, en réponse à votre billet du 22 02 2016
L'ordonnance environnementale que je vous annonçais,a été publiée au journal officiel du 22 04*, permettant à l'état de décider la consultation locale et donc, de "légaliser" le référendum sur le périmètre choisi à bon escient, ceci pour contourner les écueils de droit que vous signaliez à juste titre.
Qu'avons nous donc gagné en matière de droit, par rapport aux parlements régionaux de l'ancien régime français, à faire la révolution? Puisque nous voyons que l'état républicain, ministères et leurs agences dédiées dans tous les domaines, se comportant aujourd'hui comme les princes d'hier, savent reconstituer, si pour eux nécessaire, "le lit de justice royal".
"ADVIENTE PRINCIPE,CESSAT MAGISTRATUS", toujours d'actualité.
Bon sujet de devoir pour vos étudiants en droit public à l'université

* le décret relatif à cette consultation a donc pu très "constitutionnellement" être publié au J.O. 2 jours après.