samedi 29 août 2015

Nouvelle organisation territoriale de la République : Etape 3 Les communes grossissent et s'organisent en mairies d'arrondissement

"Les communes vont être transformées en zombis". J'ai beau être un fan de The walking dead, je ne trouve pas appropriée cette comparaison lancée en hémicycle par un parlementaire. Même si l'image forte permet de comprendre que les communes risquent de bientôt perdre leur âme, elles ne seront pas des mortes-vivantes.

 
 

L'obligation de se fondre dans un ensemble plus large, avec un seuil adaptable

 
 
Au début, le projet de loi mettait la barre très haut avec une exigence à 20000 habitants pour toutes les communautés de communes (sauf en montagne). Rappelons-nous que c'est seulement depuis décembre 2010 qu'un seuil était imposé pour la première fois, et à seulement 5000 habitants !
 
Bien sûr, les opposants ont dénoncé une vision géométrique, euclidienne, et technocratique de la France, mais la justification d'un seuil aussi élevé était la capacité financière de l'intercommunalité à recruter de bons techniciens pour des compétences nouvelles ou complexes que les petites communes ont de plus en plus de mal à assumer. Alors, les compromis politiques ont joué, finalement ce sera 15000 habitants, avec de nombreux assouplissements. Ma foi tant mieux pour les communautés qui échapperont à la bousculade de devoir à nouveau recomposer leur périmètre. Ma foi tant pis si, sur certaines compétences, ce seuil paraîtra parfois un peu bas. Je pense à la promotion du tourisme, mais il y aura d'autres cas de figure. Aucune loi n'empêche de constituer des périmètres plus larges, si on trouve des élus assez fédérateurs et malins pour les constituer, lorsque cela est possible.
Il y aura de la souplesse, car les parlementaires ont gagné sur la prise en compte des géographies locales. Le seuil sera ramené au minimum à 5.000 habitants pour les zones de montagne et les territoires ayant une densité de population inférieure à 30% de la densité nationale. Le seuil de 15.000 habitants sera en outre pondéré dans une trentaine de départements dont la densité moyenne est trop basse pour qu’un tel seuil puisse être exigé. Il y aura donc des départements avec un seuil entre 5000 et 15000 qui sera calculé au cours des travaux menés par les préfectures en collaboration avec les Commissions départementales de coopération intercommunale. Les CDCI vont se réunir entre septembre et avril 2016, car les préfets devront arrêter les nouvelles cartes des EPCI au 30 juin 2016. Les nouveaux EPCI ainsi redéfinis, seront créés au 1er janvier 2017.
 
En théorie, dans le respect des seuils, c'est au libre choix des communes d'aller vers un EPCI ou vers un autre, mais la plupart du temps, il y aura des arguments légitimes à fusionner des EPCI dans leur intégralité. En tout cas, l'Orée de Bercé-Belinois n'est pas touchée par l'obligation de modifier son périmètre, avec ses 19 920 habitants. Pourtant, notre Communauté va se trouver entourée à l'Est et au Sud par des Cdc soumises à obligation de revoir leur périmètre. Ainsi, logiquement, des communes limitrophes vont frapper à notre porte pour discuter de leur intégration. Elles le feront d'autant plus si elles se sentent encore rurales, à l'inverse des communes qui étant parfois proches du Mans, ne se sentent pas forcément attirées par notre Sud Sarthe.
C'est tout le cœur de la question pour les élus des petites communes; ne pas se trouver dans un EPCI noyées en présence de communes poids-lourds. Si ce sentiment et cette arithmétique s'imposent, la recomposition territoriale les incitent à fusionner entre elles pour peser plus lourd elles-mêmes dans leur future assemblée communautaire. On a bien vu cet argument dans le débat sur les communes nouvelles. La commune nouvelle est la nouvelle formule de la fusion de communes, consistant à ne plus avoir qu'une seule commune, un seul conseil municipal, là où il y avait deux, trois ou plus communes auparavant. La formule peut permettre aussi à une petite ville de se renforcer mutuellement avec des villages dont elle est toute proche. Financièrement tout le monde y gagne, mais en général la réponse des villages aux villes centre est toujours "plutôt mourir !". Quelle ironie, quand on sait qu'une commune française ne peut pas "mourir", elle peut tomber dans le plus extrême coma, ne compter plus qu'une poignée d'habitants, voire un seul, mais elle continuera d'exister tant qu'il y aura un vaniteux pour se vouloir roi sur son rocher. Si les fusions n'étaient jamais permises par la loi, alors là oui on pourrait parler de villages zombis. Et l'on pourra parler de communes zombis pour certains refus persistants de fusions.
Mais si des fusions se réalisent, alors les communes nouvelles n'ont rien de zombis. Elles sont bien plus vivantes qu'elles ne le seront chacune isolément victime des baisses de dotation.



La suppression de 50% des syndicats de communes, en priorité les moins actifs



La loi NOTRe poursuit le nettoyage du nombre de syndicats intercommunaux existants qui font perdre de la lisibilité, du temps et de l'argent parfois lorsqu'ils ont des compétences à périmètres qui pourraient être communautaire. L'idée à terme, c'est de se dire que, soit les communes reprennent leurs compétences dévolues à un syndicat peu utile parce qu'il ne sert qu'à pallier un manque de taille critique desdites petites communes, à y pallier là où il pourrait être judicieux d'avoir en réalité une seule commune, soit il y a une prise des compétences et remplacement de ces syndicats par la Communauté.
Apparemment les suppressions seraient prescrites en priorité pour les syndicats les moins utiles, les moins dynamiques en terme de compétences et d’activités, avec un critère complémentaire, celui de la possibilité que les compétences assurées par ces syndicats puissent éventuellement être reprises par une communauté. En effet, la loi NOTRe veut éliminer autant que possible les syndicats intercommunaux qui ont un périmètre compris à l'intérieur de celui d'une Communauté. Déjà depuis le 9 aout, les élus de ces syndicats intercommunaux n’ont plus le droit de percevoir d’indemnités de fonction... Il y a là une incitation indirecte à "lâcher l'affaire".
Pour illustration, le syndicat à vocation multiple de Saint-Gervais-Laigné-en-belin serait-il dans cette configuration ?
La décision finale de suppression relève de la compétence des préfets, à l'issu des travaux de la CDCI, et vu l'activité importante du syndicat de "Laignais" (j'anticipe sur le nom de la future commune réunie, ça ne veut pas dire que je la souhaite), ce  SIVOM de “Laignais” donc est à l’abris de la disparition pour un moment. Mais, ceci étant, il exerce des compétences sur les réseaux, qui doivent devenir communautaires en 2020... Le reste dans le domaine des équipements sportifs sera remis en cause à travers la plus grande difficulté à obtenir des subventions pour des projets qui ne seront pas communautaires... l'utilité de ce syndicat pourrait décroître à terme. On pourrait aussi supprimer le SMIDEN si la Cdc du Sud-est Manceau fusionnait avec l'Orée de Bercé.
La politique de réduction des syndicats de communes, menée par la droite en 2010 et par la gauche en 2015, est justifiée dans la perspective de l'agrandissement des communes, et de la montée en puissance des communautés.

 

De nouvelles compétences transférées aux communautés par la loi


Les Communautés vont avoir plus de compétences à exercer au service des communes. En effet, en matière de compétences obligatoires, qui désormais ne seront plus soumises à la définition de l’intérêt communautaire, la loi prévoie le transfert aux intercommunalités de la création et de la gestion des aires d’accueil des gens du voyage, de la promotion touristique dont la création d’offices de tourisme (et avec des exceptions possibles pour tenir compte des stations classées et des marques territoriales), et la collecte et le traitement des déchets. Ne plus pouvoir définir un "intérêt communautaire" c'est obliger à assumer l'intégralité d'une compétence, et non un morceau, comme c'est la cas bien souvent. L’eau et l’assainissement deviendront intégralement des compétences obligatoires, mais avec une mise en œuvre décalée à 2020 pour laisser le temps aux élus locaux de préparer ces transferts souvent plus complexes du fait de la diversité des modes de gestion. Cela n'interdit dit pas d'aller vite sur ce sujet, car l'Orée-de-Bercé ferait surement faire des économies à l'ensemble des abonnés du territoire avec ces domaines.

L’élargissement du champ des compétences des communautés de communes et d’agglomération, nous aurons l'occasion d'en parler à l'avenir. L’aménagement, l’entretien et la gestion des aires d’accueil des gens du voyage ainsi que la collecte et le traitement des déchets des ménages et des déchets assimilés s'ajoutent à la liste des compétences obligatoires. En revanche, appartiennent à la liste des compétences optionnelles pour l'instant : l’assainissement, l’eau ainsi que la création et la gestion des maisons de services au public.

Privées de ressources, les communes transfèrent des compétences optionnelles.


Bien que des compétences ne soient pas encore obligatoirement communautaires, on retrouve l'incitation financière. L’élargissement du champ des compétences nécessaires aux communautés de communes pour être éligibles à la DGF « bonifiée » ; ces communautés devront exercer, à compter du 1er janvier 2017, au moins 6 des 12 groupes de compétences prévus à l’article L. 5214-23-1 du CGCT (au lieu des 4 sur 8 prévus auparavant) puis, à compter du 1er janvier 2018, 9 des 12 groupes de compétences ; sont ajoutées les compétences suivantes : eau, création d’offices de tourisme, aménagement, entretien et gestion des aires d’accueil des gens du voyage, création et gestion de maisons de services au public… ;

Une  compétence fondamentale a échappé au transfert obligatoire, mais en réalité c'est un leurre, car elle devient quasi obligatoire par divers biais détournés : la compétence urbanisme.
Déjà depuis le 1er juillet 2015, les communes ont du s'organiser pour faire face à la fin de la mise à disposition des services de l'Etat pour l'instruction des demandes d'autorisation. Dans une grande majorité des cas, la compétence a été organisée au niveau des Communautés.
Loi ALUR du 24 mars 2014 a rendu obligatoire le transfert de la compétence pour élaborer un PLUi dans un délai de 3 ans (27 mars 2017) après la publication de la loi sauf opposition d’au moins un quart des communes membres représentant au moins 20% de la population dans les 3 mois précédent le terme. Si à l’expiration du délai de 3 ans, la CdC n’est pas devenue compétente, elle le devient de plein droit le premier jour de l’année suivant l’élection du président de la CdC consécutive au renouvellement général des conseils municipaux et communautaires, sauf opposition dans les mêmes conditions rappelée ci-dessus. La Loi de Finances pour 2015 a assoupli les délais, ainsi l’engagement d’une procédure d’élaboration d’un plan local d’urbanisme intercommunal avant le 31 décembre 2015 suspend les dates et délais prévus en matière de «grenellisation», de mise en compatibilité avec le SCOT, de transformation des POS en PLU (avec pour sanction le retour au RNU) sous réserve que le débat sur le PADD ait pu se tenir avant le 27 mars 2017 et que le PLUi soit approuvé avant le 31 décembre 2019.
Comme on le voit chez nous, de nombreuses communes sont en retard pour remplacer leur vieux POS, d'autres sont en retard pour grenelliser leur PLU, donc le passage au PLUI est décidé sans enthousiasme.

Le moment venu, on évoquera aussi une forte inquiétude des élus sur le projet gouvernemental pour 2016 ou 2017 de réformer la Dotation globale de fonctionnement, les financements iraient davantage aux intercommunalités...



Le mode d'élection des conseillers communautaires

 
Voilà la question par laquelle on termine inévitablement la réflexion. Puisque les communautés vont avoir de plus en plus d'importance, jusqu'à quasiment supplanter les communes, pourquoi le citoyen ne désigne-t-il pas directement les conseillers communautaires à l'échelle d'une circonscription intercommunale ? Cela figurait dans le projet initial, mais il a fallu faire la concession de reporter à plus tard cette évolution. Il ne s'agirait pas d'une révolution car les conseillers sont déjà depuis 2014 désignés au suffrage universel direct, mais dans le cadre communal. En fait, il s'agissait de généraliser le système que connaissent les trois grandes villes Paris Lyon Marseille, celui des arrondissements, dans lequel un même bulletin de vote sert à désigner les candidat pour la mairie de proximité et pour la grande assemblée municipale. L'inconvénient de ce système généralisé, c'est que dans les petites communes, on ne connait guère la couleur politique de ses élus, ce qui ne veut pas dire qu'ils n'en ont pas... Le scrutin de 2014 a montré que le débat ne se fait pas sur le niveau communautaire. Les candidats ont généralement évité ces sujets. Les citoyens ne se sentent pas forcément en connexion avec leurs exécutifs communautaires, qu'ils n'ont d'ailleurs pas choisis.

Faisant ce constat, malgré le renoncement de la loi NOTRe, qui il est vrai aurait précipité encore davantage la "zombification" des communes, nombreux sont les parlementaires à avoir proclamé que cette étape reviendra forcément dans un prochain projet de loi, et peut-être même avant 2020, date des prochaines échéances municipales. Car, si les communes n'ont plus grandes responsabilités politiques, le suffrage direct en circonscription intercommunale s'impose en toute logique.

Les anciennes communes vont devenir en somme, avec toutes les évolutions à présents enclenchées, et d'autres à venir dans les cinq prochaines années, des communes annexes. C'est le modèle qui est privilégié lorsque l'on créé une commune nouvelle. Les anciennes communes conservent un maire délégué et un conseil municipal délégué (consultatif), ainsi qu'une mairie annexe. L'ancienne commune conserve ses représentants identifiés et le maillage politique est conservé. Même si la commune déléguée n'a plus le pouvoir budgétaire, elle porte ses besoins au niveau du nouveau conseil municipal.
Surtout, ce que l'on ne dit pas assez, c'est que le maire délégué de l'ancienne commune continue de tenir le rôle d'agent de l'Etat. Et cela est plus utile que jamais. Se dire, que l'on reste le 1er magistrat, officier d'état civil et de police judiciaire, que l'on va pouvoir se reconcentrer sur une fonction de juge de paix. Cela implique de développer son sens de l'Etat, et d'arrêter de penser autour de son nombril.

Comme agent de l’Etat, et comme un maire d'arrondissement dans une grande ville, il est chargé de missions fondamentales parfois mal mises en œuvre : il doit faire connaître et respecter la loi, ce qui implique trois attributions : assurer la publication des lois et règlements, ceci revient tout simplement à tenir à disposition le JORF, avec parfois la possibilité d’en faire l’explication de texte par des documents supplémentaires, et le devoir de republier d’anciennes lois ou règlements (plaquettes, notices cf.L.2122-28 CGCT);  appliquer les mesures de sûreté générale décidées par le Gouvernement; et enfin accomplir les fonctions spéciales attribuées par les lois (recensement, élections, certains permis de construire pour le compte de l’Etat si pas de PLU, délivrance de certificats : domicile, d’hébergement d’étrangers)
 
Grâce aux maires, l'Etat va continuer à faire des économies. On teste déjà la fusion des sous-préfectures, donc la réduction conséquente de leur nombre, à partir du 1er janvier 2016, dans 5 régions. Autant dire, qu'il y aura encore besoin de mairies de proximité pendant longtemps, même si elles auront un visage différent, davantage bureau de proximité pour l'Etat que fief féodal.

1 commentaire:

alain DECUQ a dit…

Voilà bien expliqué à vos administrés dans ce billet, Monsieur le Maire:
- comment l' ETAT FRANCAIS, de toute obédience politique, cherche à décentraliser, un peu mais pas trop, ses responsabilités.
-comment ne pas perdre ses droits de regard, " l'oeil du maître", tout en feignant une régionalisation de façade, sur les prérogatives qui ne devraient depuis longtemps ,n'être plus régaliennes.
-comment déléguer les coûts aux étages administratifs inférieurs, en instituant une politique de carotte-récompense comme aiguillon? entre autre pour ne pas fâcher L'EUROPE et son carcan.
-comment pour autant, l'état jacobin et "politicien" doit cuisiner toujours plus de feuilles au "mille feuilles" pour justement lui faciliter cette délégation de coûts , en multipliant les dits étages ,aux communes , aux comcoms, aux Sivoms, aux départements, aux pays, aux pôles métropolitains ,aux régions et j'en oublie.. créant ainsi, sans même s'en rendre compte, autant de forteresses imprenables et en distribuant au passage autant de soldes.
- comment cet ETAT FRANCAIS PATISSIER, qui en 1789 a raté le FEDERALISME PROVINCIAL ,mais au qui ,au contraire a exacerbé la centralisation, comment cet état Français cherche à nous faire croire que ce mille -feuilles administratif, avec une riche couche de crème entre chaque feuille(le personnel administratif de chaque étage ) sera moins cher que le gâteau précédent.
- comment en somme la FRANCE "rame" pour coller au petit nombre de lands allemands, des comtés britanniques des régions espagnoles ou italiennes dont M.REMZI vient de réussir la réforme en deux coups de cuillère . Ce que le Général De GAULLE a loupé ,ce qui l'a emporté.
-comment, tant que l'ETAT ne voudra pas abandonner le nerf de la guerre:" la perception de l'impôt et sa répartition", qui fait vivre tant de chapelles avec prébendes associées, la simplification administrative en FRANCE s'apparente à une mission impossible
-comment au niveau des comcoms, notre cadre de vie, nos communautés, seront impactées ,bien ou mal, par des décisions de responsables que nous n'aurons pas élus au suffrage universel, en reniant du coup notre constitution. Vite , une QPC sur ce sujet.
- comment en définitive, on a recréé en FRANCE l'ANCIEN REGIME, peut être en pire, avec une nouvelle aristocratie politicienne ,qui elle, n'a pas à payer " l'impôt du sang" et un nouveau clergé dont je vous laisse deviner l'identité.
les "gens du jeu de paume" en 1789 avaient calqué le découpage administratif en le calquant sur les évêchés et les paroisses. Pour tout maîtriser dans un contexte de crise ,ils avaient donc bâti communes et départements en faisant disparaître les provinces.
C'était au temps des diligences et des chevaux, souvent conduites par des cochers de grande compétence. Il est plus que temps ,à l'heure de la vitesse d'INTERNET et du TGV, de passer à autre chose comme administration territoriale. L'histoire n'étai telle pas un perpétuel recommencement?