samedi 22 août 2015

Nouvelle organisation territoriale : Etape 2 Les Régions plus puissantes et moins couteuses pour l'Etat

Depuis 2008, les rapports ont tous appuyé sur la nécessité de renforcer l'échelon régional dans le cadre d'une Europe élargie, et au sein d'une civilisation de communications accélérées. La loi NOTRep n'est qu'une étape importante  vers cet objectif.



Les Conseils régionaux prennent des compétences


 
Nous avons vu que les départements perdent des compétences au profit des régions. Le transport par autocars est symptomatique, mais pas choquant car la Région possède déjà la compétence sur le ferroviaire.
Il était question que la Région récupère aussi la compétence pour la construction et l'entretien des routes. Les départements ont réussi à conserver cette compétence. Mais, je pense que ce n'est peut-être pas pour longtemps. En effet, outre la cohérence des investissements en matière de mobilité, la mutualisation de la compétence pour les routes permettrait une solidarité et une justice entre les territoires. Beaucoup de parlementaires observent une forte disparité des aménagements routiers entre départements riches et départements pauvres. La compétence portant sur les routes en dehors des métropoles, il s'avère que plus un département est rural, plus il a besoin d'investissements publics en matière de routes pour rompre l'isolement, tandis que les départements densément peuplés, se permettent de construire des ronds-points partout, comme un luxe ostentatoire. Le transfert de la compétence aux Régions permettrait d'avoir une réflexion moins purement locale et sans doute plus équitable. Malgré le renoncement du législateur, on notera cependant, que les investissements des départements devront désormais être compatibles avec les schémas régionaux...



Le pouvoir règlementaire des Régions est renforcé : désormais elles gouvernent


La Région était un niveau d'administration créé pour la planification et la coordination des politiques publiques. Pendant, longtemps c'est l'Etat, à travers le préfet de Région, qui a eu cette fonction. Depuis quelques années, c'est le Conseil Régional qui élabore de nombreux Schémas. Ces schémas sont de plus en plus contraignants pour les autres niveaux de collectivités.

*Elle détiendra désormais le pouvoir d'impulsion réglementaire en matière d'aménagement durable

La Région aura la charge de l’aménagement durable du territoire. Elle rédigera un schéma régional d’aménagement durable du territoire (SRADDT) dans lequel figureront les orientations stratégiques en matière d’aménagement du territoire. Aménagement du territoire, c'est l'ensemble des actions publiques tendant à un développement équilibré des régions et à une organisation de l’espace selon une conception directrice: mobilité préservant au mieux l'environnement, lutte contre la pollution de l’air, maîtrise et valorisation de l’énergie, logement et gestion des déchets.

Le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires SRADDET

« Art. L. 4251-1.-« Ce schéma fixe les objectifs de moyen et long termes sur le territoire de la région en matière d'équilibre et d'égalité des territoires, d'implantation des différentes infrastructures d'intérêt régional, de désenclavement des territoires ruraux, d'habitat, de gestion économe de l'espace, d'intermodalité et de développement des transports, de maîtrise et de valorisation de l'énergie, de lutte contre le changement climatique, de pollution de l'air, de protection et de restauration de la biodiversité, de prévention et de gestion des déchets.
« Le schéma identifie les voies et les axes routiers qui, par leurs caractéristiques, constituent des itinéraires d'intérêt régional. Ces itinéraires sont pris en compte par le département, dans le cadre de ses interventions, pour garantir la cohérence et l'efficacité du réseau routier ainsi que la sécurité des usagers.
« Le schéma peut fixer des objectifs dans tout autre domaine contribuant à l'aménagement du territoire lorsque la région détient, en application de la loi, une compétence exclusive de planification, de programmation ou d'orientation et que le conseil régional décide de l'exercer dans le cadre de ce schéma, par délibération prévue à l'article L. 4251-4. Dans ce cas, le schéma tient lieu de document sectoriel de planification, de programmation ou d'orientation. Pour les domaines dans lesquels la loi institue un document sectoriel auquel le schéma se substitue, ce dernier reprend les éléments essentiels du contenu de ces documents. Une carte synthétique indicative illustre les objectifs du schéma".


Art. L. 4251-3.-Les schémas de cohérence territoriale et, à défaut, les plans locaux d'urbanisme, les cartes communales ou les documents en tenant lieu, ainsi que les plans de déplacements urbains, les plans climat-énergie territoriaux et les chartes des parcs naturels régionaux :
« 1° Prennent en compte les objectifs du schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires ;
« 2° Sont compatibles avec les règles générales du fascicule de ce schéma, pour celles de leurs dispositions auxquelles ces règles sont opposables.
« Lorsque les documents mentionnés au premier alinéa sont antérieurs à l'approbation du schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires, ils prennent en compte les objectifs du schéma et sont mis en compatibilité avec les règles générales du fascicule lors de la première révision qui suit l'approbation du schéma.


La prévention des déchets
Le code de l'environnement est modifié en son article L. 541-13.-I ordonnant que chaque Région soit couverte par un plan régional de prévention et de gestion des déchets. Ces fameux plans ont eux aussi un impact sur les documents d'urbanisme des communes et des intercommunalités.

*La Région devient pleinement stratège en matière économique à travers le schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation SRDEII, prévus aux articles du CGCT

« Art. L. 4251-12.-La région est la collectivité territoriale responsable, sur son territoire, de la définition des orientations en matière de développement économique.
« Art. L. 4251-13.-La région élabore un schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation.
« Ce schéma définit les orientations en matière d'aides aux entreprises, de soutien à l'internationalisation et d'aides à l'investissement immobilier et à l'innovation des entreprises, ainsi que les orientations relatives à l'attractivité du territoire régional. Il définit les orientations en matière de développement de l'économie sociale et solidaire, en s'appuyant notamment sur les propositions formulées au cours des conférences régionales de l'économie sociale et solidaire.
« Le schéma organise, sur le territoire régional, la complémentarité des actions menées par la région en matière d'aides aux entreprises avec les actions menées par les collectivités territoriales et leurs groupements, en application des articles L. 1511-3, L. 1511-7 et L. 1511-8, du titre V du livre II de la deuxième partie et du titre III du livre II de la troisième partie.
« Les orientations du schéma favorisent un développement économique innovant, durable et équilibré du territoire de la région ainsi que le maintien des activités économiques exercées en son sein.
« Le schéma peut contenir un volet sur les orientations en matière d'aides au développement des activités agricoles, artisanales, industrielles, pastorales et forestières
« Art. L. 4251-17.-Les actes des collectivités territoriales et de leurs groupements en matière d'aides aux entreprises doivent être compatibles avec le schéma régional de développement économique"

Précision ultime apportée par la loi et décriée par tous les opposants à la loi, le Préfet de Région doit donner son accord !
Donc, en résumé, l'Etat fait faire, mais il conserve le pouvoir de codécision sur les schémas. En réalité, c'est lui qui tire les bénéfices de la régionalisation accrue.

L'enjeu principal des nouvelles régions : des économies mais pour l'Etat

 

Lors de la discussion de la loi, le Gouvernement a rappelé que le regroupement des régions ferait économiser à terme 20 milliards d'euros. André Vallini, secrétaire d’Etat chargé de la Réforme territoriale, espère « 5 à 10 % d’économies en dix ans ». En réalité tout dépendra de la volonté politique de ceux qui vont prendre les nouvelles régions en main !!! Car, si on lit le magazine Capital, il n'y a pas de quoi être optimiste :

"
Il faut dire que les élus traînent les pieds sur à peu près tous les dossiers. Que comptent-ils faire, par exemple, des locaux souvent somptueux où siègent les conseils régionaux appelés à disparaître ? En bonne logique, ils devraient les mettre en vente sans attendre, afin de renflouer un peu les finances locales. L'imposant palais régional de Clermont-Ferrand (le nouveau conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes s'installera à Lyon), pourrait ainsi se négocier une soixantaine de millions d'euros. Eh bien, il n'est pas question de s'en séparer. « Le bâtiment continuera à vivre, soyez-en sûrs », promet René Souchon, président du conseil d'Auvergne.
Et ce sera la même chose à Poitiers, Limoges, Besançon ou Châlons-en-Champagne. « Aucun bâtiment ne sera cédé », confirme l'Association des régions de France (ARF), qui imagine déjà implanter « des antennes » un peu partout. Du coup, plusieurs centaines de millions d'euros vont passer sous le nez des contribuables.
Ce conservatisme immobilier en dit long sur l'état d'esprit général des élus. D'Amiens à Montpellier, de Caen à Dijon, la philosophie est toujours la même - la réforme doit faire le moins de vagues possible - et le tempo choisi aussi - le plus lent possible. En particulier pour l'emploi, le dossier le plus stratégique, mais également le plus sensible. Certes, lorsqu'on les interroge, les édiles finissent par concéder que des postes devront un jour ou l'autre être supprimés. Mais combien ?L'immobilisme est tellement patent que les syndicats eux-mêmes ne semblent pas très inquiets. « Sur le papier, 30% des postes d'administration centrale pourraient être supprimés », ose un expert gouvernemental, sous le sceau absolu du secret.
Si les économies sont reportées aux calendes grecques, les surcoûts, eux, sont déjà dans la boucle. A commencer par ceux qui sont liés aux rémunérations. Car les fonctionnaires ne sont pas toujours payés de la même façon d'une région à l'autre. Selon l'Ifrap, les écarts sont particulièrement visibles en Normandie : les charges de personnel moyennes par agent s'élèvent à 47.000 euros à Rouen pour seulement 37.000 à Caen. Or, c'est une règle absolue dans la fonction publique, lorsqu'on doit aligner des situations, on le fait toujours par le haut. L'ARF a beau jurer vouloir éviter cet écueil et faire son possible pour que l'harmonisation ne soit pas trop coûteuse, personne ne croit un instant à cette promesse. Du coup, les contribuables peuvent se préparer à sortir les chéquiers. Selon l'Ifrap, ce seul poste pourrait représenter un surcoût de 49,5 millions d'euros par an, dont 18 en Normandie, et 6,8 pour le nouveau Grand Sud-Ouest.
Simple exemple. Entre les logiciels informatiques à adapter (ils sont presque toujours différents), les hémicycles à agrandir, les prestations aux jeunes à aligner, les cabinets de consultants à rémunérer, les aides aux entreprises à harmoniser, les tarifications ferroviaires à revoir, les déménagements à organiser, les locaux à restructurer - « Il faudra peut-être en acheter de nouveaux et les équiper », laisse-t-on entendre à l'ARF - la facture risque de grimper rapidement. Sans parler du coût de l'immense bazar que va générer ce big bang dans ces administrations habituées à sommeiller, et des déplacements incessants des élus dans des territoires deux fois plus grands. « La moindre réunion de quelques heures va devenir une véritable expédition », grince déjà Patrick Tassin. Lui vit à Charleville-Mézières. Pour se rendre aux réunions du Conseil économique et social régional (Ceser), il devra effectuer régulièrement les 360 kilomètres qui le séparent de Strasbourg, sa nouvelle capitale, et y dormir une nuit à l'hôtel aux frais des citoyens. Quand on connaît l'immense utilité des Ceser..."

L'étude de L’iFRAP estime que les futures régions économiseraient jusqu’à 2 milliards d’euros en s’alignant sur les pratiques des moins dépensières. Chacun sait à présent que c'est au bout d'un certain nombre d'années que des économies auront lieu. 10 ans avoue le Ministre Vallini, on vient d'être convaincu que ce sera certainement plus long, disons 20 ans. Il n'y aura aucune économie pour les régions, si les élus ne changent pas !

C'est surtout l'Etat qui va réaliser des économies

Là aussi les calculs liés aux nouvelles régions sont des spéculations. Pour l'Etat, il y aura des coûts au début, puis il y aura des économies rapidement.
Sur l’ensemble du territoire 10 700 agents de l'Etat en place dans les futures ex-capitales régionales pourraient déménager. Si l’on suit  l’exemple du Ministère de la Défense qui a du faire bouger énormément de personnes, au gré des fermetures de casernes,  dans les dernières années, le coût moyen de l’accompagnement financier  s’élève à 23 500 euros par personne. La multiplication du nombre de personnes concernées par cette somme aboutit à un total de 250 millions d’euros. Pour éviter cette dépense, et la mutinerie des agents déracinés, le Gouvernement assure qu’il ne fera bouger vers les nouvelles capitales que les personnels de direction. De toute façon, les 250 Millions, on ne les a pas…

Ce qui est prévu et affiché, c'est la réduction des effectifs quant aux nombres de fonctionnaires de l'Etat au niveau régional. : ” Les services régionaux de l’État porteront, dès 2016 et dans les années suivantes, les deux-tiers des efforts de réduction d’effectifs : cela sera rendu possible grâce aux marges dégagées par la fusion des services”.
Cela justifiera, comme l'annonce le Gouvernement, de renforcer l'administration au niveau départemental, c'est à dire dans la centralité des départements (préfecture). En revanche, ce qui est moins médiatisé pour l'instant, c'est que l'on va réduire le niveau sous-préfectoral. Déjà, à partir de janvier 2016, les fusions de sous-préfectures vont être testées dans 5 Régions !

A cela s'ajoutent les économies indirectes par le fait de la réduction du nombre des collectivités et établissements publics à conseiller, surveiller et contrôler. Par exemple, le nombre de Chambres régionales des comptes va diminuer, ce qui a un lien direct avec la fusion des régions. Ces gains de postes au sein de l'Etat ne sont pas spécifiques à la réorganisation des régions, mais ils sont intimement rendus possible par la loi NOTRep. En faisant grossir les différentes collectivités, on finira bien par faire des économies nationales. Cela va surtout dépendre de ce qui va se passer au niveau communal... (à suivre)

Aucun commentaire: