mercredi 19 novembre 2014

Les élus minoritaires et la confidentialité des réunions municipales et intercommunales

Lorsque l'on est élu minoritaire, on a souvent l'impression de ne pas servir à grand chose. Le système institutionnel est fait comme cela, car les français aiment à tous les niveaux avoir une administration forte qui incarne le pouvoir, fixe des caps et prend des décisions.

La tentation est grande pour des élus minoritaires de faire croire qu'ils servent en rendant publics les contenus des discussions auxquelles ils ont le privilège d'assister dans la mesure où elles ne sont pas publiques...

Mais cela peut poser des problèmes non négligeables pour le fonctionnement de la collectivité et surtout pour des personnes tiers, qui n'ont pas demandé à ce que leurs noms ou leurs affaires soient évoqués de façon prématurées, et encore moins sur Internet. Mais, après tout, si cette pratique peut mettre en difficulté la majorité, voire faire capoter des projets, les élus minoritaires ont tout à y gagner.

A Ecommoy, cela va un peu trop loin depuis le début du nouveau mandat. Mais Est-ce légal ? Réponse communiquée au dernier Conseil municipal, par le maire et le prof de droit que je suis :

"Information de M. le maire sur la diffusabilité des compte-rendus de réunions municipales et intercommunales et des documents fournis aux élus pour les séances du conseil municipal.

Suite à des observations qui nous sont parvenues de la part de personnes extérieures à la mairie, nous devons vous prévenir qu’il n’est pas possible pour les services municipaux de communiquer les CR des réunions municipales non publiques à des personnes extérieures aux commissions. En outre, la diffusion par les élus de tels documents se fait à leurs risques et périls.

1) Les CR des commissions
Ces documents sont des actes préparatoires destinés en premier lieu aux services municipaux, et à informer les membres des commissions qui ont été absents ou qui n’ont pas conservé traces du contenu des discussions.
De tels documents ne deviennent communicables que lorsqu’ils se rapportent à des points ayant été délibérés en Assemblée plénière.
(CADA - Auribeau-sur-Siagne - 20 février 1990)
Cette jurisprudence se justifie par le fait que l’information émanant des réunions peut être mal interprétée par le public. En effet, la quasi totalité des réunions des commissions ne formule que des avis. Les commissions n’ont aucun pouvoir de décision. En outre, de nombreux sujets peuvent être évoqués sans jamais aboutir à une décision du conseil.
Certains éléments des débats des commissions deviennent donc communicables après traitement par le Conseil municipal seulement, même s’il y a eu huis-clos.
D’autres ne deviennent jamais communicables faute d’aboutir à une délibération municipale.

Ces règles sont en outre à articuler avec les secrets et les intérêts privés ou publics que les lois protègent.

2) Sur la diffusion des documents portés à connaissances des membres élus en vue des séances des conseils.
            Question N° : 27683  publiée au JO le : 03/11/2003  page : 8371
            Réponse publiée au JO le : 30/03/2004  page : 2691

Un parlementaire demande si un maire, arguant du fait que les projets de délibérations et la note explicative qui les accompagne, qu'il adresse aux membres du conseil municipal, s'inscrivent dans un processus de décision et sont donc non communicables, peut interdire aux conseillers municipaux de les diffuser, communiquer ou montrer aux habitants de la commune. Ne doit-on pas au contraire considérer que de tels projets de délibérations et la note explicative qui les accompagne sont des documents achevés, dès lors qu'ils ont été arrêtés par le maire et inscrits par lui à l'ordre du jour du conseil municipal et qu'ils sont à ce titre communicables, même avant que le conseil municipal n'ait délibéré

Le droit des habitants de la commune à être informés des affaires de celle-ci s'exerce sans préjudice des dispositions relatives à la publicité des actes des autorités territoriales, ainsi qu'à la liberté d'accès aux documents administratifs, garantie par la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 (art. 2141-1 du code général des collectivités territoriales). Les ordres du jour du CM sont communicables sans risque puisque leur publicité est prévue à l’effet d’informer quiconque.

3) Les risques encourus pour la diffusion des informations non communicables
Sauf le cas particulier des secrets protégés par le droit pénal (secret médical par exemple), il n’est pas interdit pour une personne qui n’est pas fonctionnaire de diffuser les compte rendus des réunions. Toutefois, même une information a priori anodine peut causer un préjudice à une personne, une association, une entreprise.
Le droit français de la responsabilité civile est très simple : art 1382 du code civil « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. ».
En tant que maire et juriste, je ne peux que regretter que certains élus diffusent sans aucune précaution toutes sortes de documents sur internet dans leur intégralité, faisant mention de la situation économique de certaines entreprises, ou du comportement de telle ou telle personne vis à vis de la commune. Cela est particulièrement délicat lorsqu’une entreprise cherche à s’installer sur notre territoire mais souhaite que cette information ne soit pas connue de tous. Je pense aux CR des commissions communautaires, qui contiennent parfois des informations ayant des enjeux importants.
Je veux que chacun sache que ne suis pas en mesure d’empêcher la diffusion des documents.

Sébastien Gouhier

PS : suite à la parution de cet article, Nicolas Halilou et ses amis ont retiré de leur site internet tous les compte-rendus des commissions municipales et intercommunales...

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