mardi 26 juin 2012

Ce que nous apprend le procès des parents de Marina

Au delà des reproches que l'on peut adresser, après coup c'est toujours plus facile, aux personnes qui avaient à prendre des décisions ou des initiatives, il y a un devoir de porter un regard lucide sur la situation.


Premier constat : énormément de citoyens ont été bouleversés durablement par cette affaire.

Les gendarmes chargés de l'enquête, les enseignants des écoles, par dizaines, tout ceux qui croient en la vie, en la famille, qui ont des valeurs, sont perturbés dans leur être de manière intime. C'est l'affaire criminelle qui marquera toute une génération en Sarthe.
Je déteste le registre de l'émotion et de l'affectif dans la sphère politique, cela consiste presque toujours à désigner des coupables avant même que l'on ait tenu un procès. J'ai été soulagé que personne n'insiste pour organiser une marche blanche en 2009 au moment de la découverte des faits.
Si aujourd'hui je me place sur le registre des sentiments éprouvés, c'est que le choc de ce procès a été vraiment très brutal. Cela s'est senti à travers la mobilisation spontanée des sarthois qui sont venus nombreux assister aux audiences. C'est aussi la première fois que toutes les associations de protection de l'enfance sont parties civiles dans un même procès.


Second constat : les institutions n'en sortent pas grandies

En Sarthe, le système n'était pas performant en 2009. Le procès a été on ne peut plus clair sur ce point.
Tout repose dans notre département sur une seule fonctionnaire attachée de secteur.
Mais, puisque chaque fonctionnaire peut se tromper, pourquoi faire reposer sur une seule personne le déclenchement de l'alerte ? Parce qu'il y a une « pratique en sarthe » que l'on ne prend pas de mesure de protection lorsqu'il y a déjà une une enquête classée sans suite. La cours a pourtant bien fait comprendre qu'un classement sans suite pour infraction insuffisamment caractérisée ne veut pas dire qu'il n'y a pas des mesures civiles à prendre pour protéger l'enfant.
En conséquence, le système fonctionne de sorte que les personnels de terrain sont comme de simples exécutants, des automates sans initiative, surtout préoccupés par la peur qu'on leur demande des comptes. Or, cette peur est injustifiée.
Le réflexe de protectionnisme des travailleurs sociaux est profondément injustifié. Comme agents du service public, les négligences des travailleurs sociaux, à supposer qu'on puisse les détecter, vu la prégnance du secret professionnel, ne sont quasiment jamais sanctionnées par la hiérarchie (toute faute de service est reconnue imputable à l'administration et non à l'agent en droit public). Seules les poursuites pénales sont donc possibles en pratique contre les agents eux-mêmes. Notons que le principe d'irresponsabilité civile protège aussi l'assistante sociale qui aurait trop rapidement effectué mais de bonne foi un signalement (Cour de Cassation 2ème Civ. 1er juillet 2010).


3ème constat : l'attitude d'hyperprotection du Conseil Général pour lui-même se retourne contre lui

C'est une bonne chose de préparer les services à une épreuve judiciaire, mais attention à la forme, attention à ne pas donner l'impression que l'on organise une « omerta », avec en prime une sorte de pression sous-jacente exercée sur ceux qui parleraient trop. Le temps de l'hypnose est terminé dans la vie publique. La société moderne est lucide et parfaitement informée, tout finit par se savoir.
A trop se camper sur sa propre interprétation de la loi, sans se confronter aux autres corps ou institutions, à se croire trop parfait, on risque de déclencher l'effet inverse de ce qui est recherché.

A présent ce sont les poursuites pénales qui vont être tentées par les associations. Ce qui me paraît excessif, mais inévitable dès lors que la voix pénale est la seule qui oblige les institutions à sortir de leur réserve. Par l'intermédiaire de son avocat et de sa directrice, la Voix de l'enfant l'a annoncé, au terme de ce premier procès, ils vont déposer plainte contre X pour non assistance à personne en danger...

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