samedi 24 avril 2010

Les collectivités locales et les "contrats à la bougie"

L'idée de ce billet m'est venue d'une bonne blague lancée lors du dernier conseil municipal par l'un de mes adjoints. Celui-ci, en charge de l'éclairage public de la ville, est très remonté contre notre prestataire d'éclairage public puisqu'il ne l'a pas choisi mais est obligé de travaillé avec lui toute la durée du mandat. C'est l'héritage d'un contrat de délégation de service public signé dans la période des "contrats à la bougie", de ceux qui piègent les collectivités pour longtemps. Constatant que malgré nos efforts importants de réduction de l'éclairage public, de réduction des illuminations festives, il n'y a que peu d'effets sur le coût du contrat de maintenance avec le prestataire d'éclairage et même peu sur la réduction des factures d'énergie, il a exprimé son ras le bol face à ces contrats aux clauses très complexes et qui "blindent" contre toute velléité d'économie du côté de la collectivité. Il faut dire que dans la période "bougies", le début des années 2000, les lampadaires se sont démultipliés dans nos communes d'une manière totalement absurde, comme si l'homme avait voulu abolir la nuit. Nous avons ainsi à Ecommoy la plus belle coulée verte de la région qui est jalonnée de luminaires  ayant parfois leur ampoule dans les branches des arbres ! Vous voyez bien ce que sont devenues nos villes par la volonté des lobbys de l'énergie électrique et de leurs filiales de l'éclairage. Mais vous ne voyez pas la perversité des contrats qu'ils ont placés aux collectivités locales. Notre contrat conclu pour 8 ans nous coutera plus d'un million d'euros, pour la maintenance uniquement. Ceci s'explique par la multiplication des points lumineux en tout point des quartiers, obligeant des distributions par de multiples armoires à entretenir (plus de 900 luminaires dans une ville de 4600 habitants).
Le bon mot fut donc de dire : "certes Ecommoy s’est mis a brillé de tout côté depuis ce contrat, mais qu’il a sans doute à l’époque été signé  à la bougie".
On connaissait déjà les "ventes à la bougie", auxquelles il est rare que les collectivités puissent prendre part, parce qu'elles s'organisent assez  rapidement, tandis que l'exécutif local doit être investi par une délibération spéciale pour y prendre part. Pourtant, les "contrats à la bougie" sont bien présents, la plupart sont même toxiques. On ne peut en effet pas s'empecher de faire le parallèle avec l'actualité qui perdure concernant les contrats de prêts que les banques ont placé à leurs clients dans ces mêmes "années bougies". Aux particuliers et aux collectivités, on a fait croire qu'ils pourraient consommer beaucoup de crédits, mais attention à la maintenance à présent. L'actualité récente nous en livre deux exemples : Saint-Etienne et La Seine-Saint-Denis.
La Deutsche Bank réclame 1,2 million à la ville qui l'assigne en justice. La Seine-Saint-Denis pourrait attaquer Dexia.
Début avril, Saint-Etienne a reçu une facture surprise de 1,2 million d'euros de la Deutsche Bank. Le taux d'intérêt du prêt afférent a explosé, passant de 4% à 24 % !
Saint-Etienne connaît la même situation qu'un grand nombre de municipalités en France et dans le reste de l'Europe. Pour alléger le poids de sa dette, elle a été séduite par des produits financiers aussi complexes qu'alléchants. Des « actifs toxiques », véritables bombes à retardement
Le conseil général de Seine-Saint-Denis connaît des problèmes similaires. Les emprunts toxiques constituaient la quasi totalité des emprunts du département en 2008 (94%). Même si le département a réussi à faire diminuer la part de ce poison à 74 %, un problème de taille se dessine à l'horizon.
La banque Dexia, qui a prêté le reste de ces actifs toxiques, demeure inflexible et refuse de renégocier. En juin, les taux d'intérêt de cet emprunt pourraient exploser, comme pour Saint-Etienne.
La Seine-saint-Denis risque fort elle aussi de devoir agir en justice, un recours en justice qui pointerait le manque d'information fournie par la banque.

Conclusions: pour en revenir à nos bougies, il est assez inquiétant de voir que même de très grosses collectivités se font prendre avec ces contrats incompréhensibles, car elles ont des collaborateurs normalement très compétents dans le domaine financier. Elles ont aussi certainement la possibilité de demander conseil au Trésor Public. Alors où est l'explication ? Négligences des responsables ? On peut imaginer que certains sont moins méfiants que d'autres lorsqu'ils ont à faire au monde des entreprises spéculatives. Je suis convaincu qu'il y a chez les élus, comme dans la population, des personnes qui aiment le risque, qui ont des comportements à risque en matière de gestion publique comme en matière privée, et d'autres qui sont beaucoup plus prudentes. Aux électeurs de se faire leur opinion sur la personnalité des candidats qui s'offrent à leurs suffrages.

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