dimanche 23 février 2025

Présentation d’une étude phytosanitaire superficielle des sequoias d'Ecommoy malheureusement pessimiste

C'est actuellement une parcelle du domaine privé de la commune d’Ecommoy destinée à être affectée aux futurs équipements publics de la ludo-médiathèque de la rue du Gal Leclerc qui héberge ces arbres majestueux et si bénéfiques à notre planète. A ce titre, le site agite beaucoup certains esprits. L'information scientifique sur la situation est essentielle à partager.


Petite rappel : 2019, friche en instance d’être vendue par Ville de Paris à des promoteurs privés pour du logement social., Préférant préserver autant que possible le site et sa verdure, la municipalité décide l’achat par priorité auprès de Ville de Paris afin d'implanter sa ludo-médiathèque. Suite à une  mobilisation des milieux militants, la mairie a noué le dialogue avec les défenseurs des arbres en Sarthe. La municipalité leur a écrit jeudi 20 février 2025, sans savoir qu'ils tractaient à nouveau sur la commune depuis vendredi. Ces détails sont importants pour comprendre le point de situation. Voici donc le courrier adressé par le maire :

"Vous nous avez interpelés lorsque vous avez appris l'existence d'un projet de réutilisation d'une friche urbaine au 6 rue du Gal Leclerc à Ecommoy pour la construction d'une Ludo-médiathèque.

Il nous a semblé que vous vouliez comprendre les enjeux et pouvoir conseiller les élus sur les possibilités de préserver les arbres existants. Nous nous étions engagés à poursuivre les études.

A présent nous disposons d'études sanitaires et d'une documentation nationale et internationale sur le sujet des sequoias. Ceci nous a permis d'avancer dans notre projet et nous voudrions vous rencontrer pour vous exposer nos conclusions.

M. Le Maire et ses adjoints concernés souhaiteraient vous inviter à une rencontre en mairie très prochainement pour faire le point. Pour ce rendez-vous, il vous est demandé de privilégier les interlocuteurs locaux, puisqu'il semble que les questionnements soient partis de leur niveau, mais aussi les personnes les plus rompues aux arcanes administratives et environnementales dans vos organisations.

Le créneau proposé est le jeudi en fin d'après-midi, donc soit le jeudi 27 février, soit le jeudi 6 mars, ou encore le 13 mars"


Parlons à présent de ce que dit l'étude commandée auprès de "l'Atelier de l'arbre" (un des meilleurs de France en matière de diagnostic phytosanitaire des arbres). D'abord, il faut comprendre que l'étude est limitée à la situation actuelle de janvier 2025, et surtout qu'elle reste superficielle :

"Limitations de la méthodologie

La méthode VTA pour l’évaluation de l’état mécanique d’un arbre consiste en la recherche de symptômes visibles, à l’extérieur de l’arbre, à l’œil nu. La méthode ne permet pas de détecter des défauts mécaniques qui ne se manifestent pas par un symptôme visible. La rupture estivale d’une charpentière est un exemple d’une rupture non détectable par la méthode.

Un autre exemple de limitation de la méthodologie consiste en certaines dégradations racinaires, pouvant entrainer un basculement, mais qui n’entraînent pas des symptômes visibles à l’œil nu dans les parties aériennes d’un arbre. De tels basculements sont extrêmement rares.

« Les arbres intacts et en bonne santé ne sont jamais à l’abri d’un déracinement ou d’un bris causé par le vent.... Jugement rendu par la Cour Suprême d’Allemagne fédérale le 21 janvier 1965 : « Chaque arbre en bord de route, même en parfaite santé, présente un risque potentiel, parce que les forces de la nature sont toujours en mesure de le déraciner ou d’en briser certaines parties. D’autre part, son mauvais état de santé n’est pas toujours apparent. Cependant, cet état de fait ne justifie pas l’abattage de tous les arbres en bord de route, parce que les risques présentés par ces arbres sont inhérents aux lois de la nature et font partie des causes naturelles, inévitables et indépendantes de toute activité humaine. » 

La méthodologie ne tient pas compte des évènements météorologiques exceptionnels, par exemple :

• Intempéries exceptionnelles (intempérie exceptionnelle : branches cassées et / ou arbres basculés dans la commune et / ou dans les communes voisines).

• Sécheresses prolongées." 


Le rapport précise ainsi que la classification de l'état sanitaire des arbres est relative :

"Gradation de l’état mécanique.

Un état jugé "Bon" signifie : "Facteur de sécurité partiellement diminué. La charge de service est inférieure à la charge de ruine Défaut mécanique présent. Par exemple cavités symétriques où la paroi résiduelle est encore éloignée des valeurs critiques et avec absence de fissuration longitudinale."

Profil de risque

Un état vert clair signifie "Il n’y a pas de risque de dommage significatif actuel, mais l’arbre nécessite un suivi rapproché. Par exemple : l’état de l’arbre pourrait se dégrader ;."


Un état jugé "bon" avec présence d'une maladie à un stade actuellement non dangereux, voilà un premier constat « Les sequoias nos 1 et 2 présentent un houppier très clair et fragmenté avec dessèchement plus prononcé en cime, leur état est jugé bon mas ils risquent de se dégrader dans le moyen à long terme (5 à 20 ans) », ... "Ces symptômes sont indicatifs de la présence de la maladie chancreuse provoquée par le champignon ascomycète Botryosphaeria dothidea"


Toute la question serait donc d'anticiper l'avenir proche, quelques années. Or le constat en Europe est dramatique.

« En Europe, les Sequoiadendron en état de faiblesse dû à la sécheresse sont attaqués par un champignon : le chancre de l’écorce – Botryosphaeria dothidea dont les blessures court-circuitent la circulation de la sève dans les branches. Ce processus d’attaque est lent mais pour l’instant irrémédiable. »  MAJ oct 2024


De nombreux articles de presse relatent le phénomène qui s'accélère :

"La plupart des spécimens des cantons de Genève et Neuchâtel sont touchés par le chancre de l'écorce. "Ce chancre essaie d'ouvrir la plaie et l'arbre essaie de la fermer avec de la sève. C'est un combat. On peut freiner la progression mais on ne peut pas l’éradiquer", explique samedi au 12h45 Cyril Grand-Guillaume, contremaître adjoint au service des Parcs et Promenades de la Ville de Neuchâtel.

Originaire des Rocheuses américaines, les arbres ne s'adaptent pas au climat suisse. "Le séquoia a besoin d'un endroit où le climat hivernal est froid et sec, et le climat estival est plutôt frais, humide et pas trop chaud. Or, en Suisse, on a des événements climatiques extrêmes notamment l’été, où il fait très chaud et sec. Ce climat fragilise les plantes et permet à la maladie de se développer de manière très favorable depuis environ 10-15 ans dans toute l’Europe", note Pierre-Yves Bobigny, chargé d'enseignement à la Haute Ecole du paysage, d’ingénierie et d’architecture de Genève (Hepia).

Les canicules à répétition ont fait exploser le phénomène. A Genève, 95% des séquoias, y compris les jeunes spécimens, sont touchés. Aucun moyen de lutte n’existe contre cette maladie qui les dégarnit à petit feu et les voue à l’abattage.

Dans leur habitat naturel, ils peuvent vivre jusqu’à 3000 ans. En Suisse, ils arrivent en bout de vie après environ un siècle, ce qui n'est pas une catastrophe pour la biodiversité locale, comme l'explique Eddy Macuglia, contremaître au service des Parcs et Promenades de la Ville de Neuchâtel.

"C’est émotionnel, parce ces arbres sont grands et on les voit bien dans le paysage. Mais au niveau de la biodiversité ici chez nous, ce n’est pas un mal", les séquoias étant une espèce importée artificiellement à la fin du XIXe siècle."


"Un champignon qui pousse au suicide

On parlait récemment du séquoia coiffant la Fédération internationale de gymnastique, à Lausanne. Il présente tous les signes d'une terrible attaque du chancre de l'écorce. Comme d'autres, qui ont dû être abattus, son feuillage a commencé à brunir au bout des branches, avant de se déplumer progressivement.

«C'est un champignon vasculaire, qui se propage dans la sève de l'arbre, explique Pierre-Yves Bovigny, enseignant à la Haute École du paysage, d'ingénierie et d'architecture de Genève (HEPIA). Et il n'existe pour l'heure aucun moyen de le traiter.» La mort provoquée par ce champignon est atroce puisqu'elle s'apparente presque à un suicide. «C'est la réaction de l'arbre à la présence du champignon qui le tue, décrit le spécialiste. Le séquoia obstrue la circulation de sa sève et s'étrangle tout seul.»

Le constat est général puisqu'il est observé un peu partout en Europe et s'est accéléré ces deux dernières décennies. «On attribue ce phénomène au changement climatique, dit Pierre-Yves Bovigny. Ce n'est pas lié au réchauffement mais à la multiplication des événements extrêmes, qui fragilisent les séquoias géants.»

Des épisodes de sécheresse et de canicule tels que ceux que l'on a connus depuis vingt ans ne conviennent pas à ces colosses qui aiment les hivers froids et secs et les étés tempérés et humides. Stressés par ces épisodes, ils peinent à lutter contre l'intrus. Enfin, leur taille leur joue parfois des tours puisque, à 30 mètres de haut, ils dominent leur entourage et attirent ainsi la foudre."


Voilà. La municipalité connaît à présent la situation pour ses sequoias. Elle réserve pour le moment la primeur de la communication du rapport aux associations et citoyens mobilisés qui ont demandé à la rencontrer. Et certaines bonnes nouvelles en même temps, car il y en a ! En effet, la municipalité est soucieuse de faire au mieux pour la préservation de la biodiversité et des arbres. 

En attendant, je vous pose une question, du rédacteur au lecteur :

Si tu avais un sequoia de 30m de haut à côté de ta belle maison où tu vis tous les jours et où tu reçois ta famille et tes amis, et qu'un rapport scientifiquement légitime t'indiquait que ton arbre jaunit lentement parce qu'il est atteint du champignon dit du chancre de l'écorce. Que ferais-tu ?

Sébastien GOUHIER



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