vendredi 9 octobre 2015

Logement social à Ecommoy : les idées reçues

Je n'ose pas chers lecteurs, vous livrer certains arguments que nous recevons dans les mairies chaque fois qu'un projet de logement social se fait jour. Je préfère vous les laisser deviner en publiant ici la réponse que je viens de faire aux riverains de la rue du Général Leclerc qui va disposer l'an prochain, si tout va bien, de ses premiers logements sociaux.




"Vous m’avez écrit pour manifester vos inquiétudes quant à la réalisation d’un ensemble de logements près de chez vous. Croyez bien que je suis très vigilant sur ce type de projet, mais que je suis néanmoins obligé de respecter la loi.
Les permis de construire sont accordés ou refusés sous contrôle du juge administratif. Or, les tribunaux exercent un contrôle d’autant plus poussé sur les refus que les terrains sont présumés constructibles en zone urbaine. Dans un tel cas, le propriétaire possède un droit qu’on ne peut lui refuser que pour des raisons indiscutables.
Or, le premier projet qui nous a été déposé faisait apparaître des difficultés. Je l’ai donc refusé après que nos services instructeurs aient analysé l’ensemble des données, sans intervention d’aucune tutelle d’aucune sorte.
Les raisons du refus ont été :
-L’omission par le pétitionnaire du fait que les logements étaient à vocation sociale, et pouvaient à ce titre être dispensés d’un nombre conséquent de stationnements.
-Des modalités de circulation et de stationnement ne permettaient pas de procéder à des manœuvres confortables de retournement pour les automobiles au bout de la parcelle.
-Enfin, le pétitionnaire avait aussi omis de transmettre des pièces graphiques qui devaient lui permettre d’obtenir l’accord favorable de l’architecte des bâtiments de France pour le projet.
Suite à ce refus, le pétitionnaire a bien compris nos exigences, et il s’est engagé à redéposer un permis acceptable par la collectivité. Ce qu’il a fait il y a quelques jours.
Les points soulevés à l’encontre de la première demande sont exhaustifs d’autres critiques qui ne permettront pas en tout état de cause de refuser la seconde demande de permis de construire. Cependant, je prends le temps de répondre à certaines de vos questions afin de vous rassurer sur les conséquences de ce projet.
Sur l’esthétique : les esquisses présentées dans le second dossier ont obtenu l’aval de l’architecte des bâtiments de France, et je constate qu’il existe bien des habitations en centre-ville qui sont aujourd’hui loin de constituer des modèles en la matière.

Sur la densité de logements : la référence des 15 logements à l’hectare est un minimum imposé par le SCOT du Pays du Mans, et il s’agit d’une moyenne à atteindre sur l’ensemble de la commune. Il va de soi, que pour parvenir à cet objectif, compte tenu de l’étalement urbain pratiqué depuis longtemps dans certains secteurs (exemple Guérinières), le centre-ville doit se densifier au-delà de cette moyenne. En outre, plus, on s’approche de la gare, et plus le SCOT préconise la densification afin de favoriser les transports collectifs. Ainsi, le nouveau PLU de Laigné-en-Belin va être modifié dans quelques jours pour tenir compte des recommandations que l’Etat vient de lui prescrire, d’atteindre 18 logements à l’hectare en secteur proche de la gare…
Sur la gestion des eaux : des réunions avec la mairie et avec la Nantaise des eaux ont eu lieu pour ce projet. La commune vient de lancer son diagnostic complet pour ses réseaux (Coût de l’étude 65 000 euros). C’est en fonction des résultats que, dans tous les secteurs de la ville, les travaux les plus urgents seront programmés. Les priorités dépendent évidemment des programmes de logements qui sont en cours.
Sur le cadre de vie : il n’y aura pas de circulation de poids lourds dans l’impasse, puisque le local poubelle est spécifiquement intégré au bâtiment qui donne sur la rue ; peu d’enfants seront accueillis puisque le projet ne comporte que 2 logements T4. Aucune gêne particulière, au-delà de ce que vous pourriez connaître avec d’autres types de constructions voisines, n’est à craindre. A toutes fins utiles, je tiens à vous informer que les données fournies par Sarthe Habitat pour notre commune indiquent que 60% des logements sociaux écomméens n’hébergent aucun enfant ; que 70% des occupants ont plus de 40 ans ; que la part des moins de 25 ans dans les logements sociaux chez nous est de 3,8% contre 6,5% dans les autres communes rurales du Département. Les programmes en cours ont pour but de répondre aux demandes locales non satisfaites, notamment pour les personnes seules ou âgées.
Sur la circulation :
L’article R.111-6 du code de l’urbanisme permet d’exiger des places de stationnement au regard des problèmes de sécurité globale de circulation au niveau du terrain d’assiette du projet. Le projet en prévoit une vingtaine, soit beaucoup plus qu’exigible pour ce genre de logements. Depuis quelques années, les locatifs bénéficiant de prêts aidés par l’Etat sont exemptés des minimum figurant dans les PLU. En outre,  la loi du 20 décembre 2014 de simplification de la vie des entreprises a réduit la possibilité d'exiger un trop grand nombre de places, réduisant à 0,5 pour les maisons de retraite et les résidences universitaires, et 1 seule maximum si à moins de 500 m d'une gare.
Au terme de ces réflexions, je vous invite à faire preuve de patience dans ce dossier, car il n’est pas possible de prendre des décisions hâtives sur des sujets aussi délicats. Je vous invite à considérer que la commune doit atteindre un pourcentage de 20% de logements aidés d’ici à 2030, et qu’elle en compte environ 6% actuellement. Il ne s’agit pas pour nous de réaliser cet objectif « rapidement » comme il est dit parfois, mais dans 15 ans. Il faut donc bien commencer aujourd’hui, puisqu’il n’a été réalisé aucun logement aidé à Ecommoy depuis 1996 ! Et anticiper l’avenir, car Ecommoy est une ville centre reconnue au niveau départemental et régional pour son potentiel de développement, aucunement comparable à des communes comme Marigné-Laillé. Ceci amène inévitablement à bousculer quelques tranquillités pour adopter des formes plus urbaines. S’agissant des balcons par exemple, ils ne peuvent être interdits simplement pour des désagréments éventuels de voisinage contre lesquels chacun peut se prémunir, et compte tenu du grand intérêt qu’ils ont pour les habitants des collectifs, sachant que les mésopotamiens les pratiquaient dans leurs cités 4000 ans avant JC. A notre époque, si des nuisances visuelles étaient constatées, le gestionnaire des logements pourrait intervenir.
Toujours est-il que, certains Français, ont depuis des décennies beaucoup agi pour empêcher les constructions urbaines, et le législateur a pour cette raison pris des dispositions désormais très dissuasives. Je crois de mon devoir de vous en informer afin de vous éviter des désillusions. Sachant que M. X est un homme d’affaire exigeant qui doit finaliser son projet avant la fin de l’année avec son acheteur Sarthe Habitat, pour des raisons financières de disponibilité du bailleur social, il se réservera le droit de faire usage des nouvelles dispositions législatives avec la plus grande sévérité à l’encontre des personnes qui abuseraient de leur faculté de nuisance.
Pour mémoire, le bénéficiaire d'un permis de construire, dont le titre est l'objet d'un recours en annulation devant un tribunal administratif, dispose de deux moyens principaux d'action s'il estime que ledit recours présente un caractère "abusif".

En premier lieu, sur le fondement des dispositions de l'article L.600-7 du code de l'urbanisme, le bénéficiaire du permis de construire peut présenter, devant le juge administratif saisi du recours en annulation, une demande de dommages et intérêts. Cette possibilité procède de l'ordonnance n°2013-638 du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l'urbanisme.
En deuxième lieu, sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du code civil (faute faisant dégénérer en abus l'exercice du droit d'ester en justice), le bénéficiaire du permis de construire peut également assigner les auteurs du recours, pour faute, devant le Juge civil, aux fins de paiement de dommages-intérêts, par exemple si le recours, même non suspensif, a perturbé le programme immobilier du bénéficiaire du permis de construire ;

Ces dernières informations n’ont pas pour but de vous dissuader de faire respecter certains droits, mais elles me paraissent opportunes compte tenu des arguments excessivement « noircis » que les contempteurs des projets locatifs utilisent parfois."



Complément : une enquête confirme que les logements sociaux ont beaucoup évolué en bien

A l'occasion du 76e congrès de l'Union sociale pour l'habitat (USH), le Crédoc publie une nouvelle vague (réalisée en juin 2015) de son enquête sociétale "Conditions de vie et aspirations", menée depuis 37 ans... Le ministère du Logement y intègre une étude spécifique sur "Le regard des Français sur différents champs de la politique logement".
Sur l'image du parc social, les résultats montrent que clichés et idées reçues sont loin d'avoir disparu, même si les logements HLM n'ont pas forcément une mauvaise image. Ainsi, 73% des Français sont conscients que "la qualité [des logements sociaux] s'est beaucoup améliorée". Une perception qui n'a apparemment rien d'une idée reçue, puisque 70% des occupants du parc HLM partagent le même sentiment !
Autre point positif : les Français classent le développement du logement social au second rang des priorités que devraient retenir les pouvoirs publics, juste après l'encouragement à l'accession à la propriété. De même, quinze ans après la loi SRU (Solidarité et Renouvellement urbain) du 13 décembre 2000, l'idée d'une meilleure répartition spatiale du parc social a fini par s'imposer : 81% des Français estiment que "les villes riches devraient en construire davantage". Avec un bon point spécial aux habitants des "villes riches" : 77% des résidents des communes affichant un revenu médian annuel de plus de 25.300 euros sont d'accord avec cette affirmation...

Enfin, il n'est pas inutile de rappeler que 80% des français sont éligibles à ce type de logement.

5 commentaires:

Pascal Gaulin. a dit…

Amusant (pour ne pas dire "LOL") : "plus, on s’approche de la gare, et plus le SCOT préconise la densification afin de favoriser les transports collectifs."

Sans doute que le SCOT doit confondre notre petite gare d'Ecommoy et ses quelques trains quotidiens avec une grande gare parisienne ! Il ne sert à rien d'amener plus d'habitants auprès de la gare si celle-ci ne propose que de trop rares trains, qui plus est très souvent retardés ou annulés...

Sébastien Gouhier a dit…

Bonjour

Je comprends votre frustration car vous êtes un usager régulier de la ligne, mais pensez que même notre petite gare peut devenir autre chose : un point de desserte pour les autocars, un espace important de covoiturage. C'est tout le sens de notre politique municipale actuelle. Et puis le SCOT se projette à long terme, et l'on peut espérer que dans le futur, les "trains" fonctionneront mieux.

Bien cordialement.

alain DECUQ a dit…

et ne pas oublier un garage à cycles moderne et sécurisé, comme nous avons vu partout dans la région de Grenoble lors du voyage organisé par le CAUE de la SARTHE.
Cela motive les usagers du train à ne plus prendre leur voiture quand ils le peuvent, mais leur vélo. Certains parents, par exemple, laisseront leur progéniture prendre le leur sans craindre de le retrouver en fin de semaine vandalisé (lycéens ).
Etude à faire?: parking voiture côté Halle et garage vélo côté ville ? impliquant traversée des voies le Matin? Sans passerelle, l'équation sera dure à résoudre!
Cela permet aussi de densifier, même en logement social dans les quartiers éloignés de la gare à but de mixité et donc de rentabiliser les réseaux et voiries neuves. (Nous l'avons aussi constaté partout lors de ce voyage: la gare n'était jamais le seul facteur de densification par immeubles , à loyers aidés compris)
Le garage à cycles, moderne et bien pensé, permet ainsi de dissuader de l'usage de la voiture en ville. Et ainsi de ne pas augmenter les diverses pollutions, liées à la voiture, (qualité de l'air, bruit sécurité) ,même en densifiant. Donc de coller aux prescriptions du SCOT.
Ce qui implique de réfléchir à la conception de voies dédiées pour "les accroches" de nouveaux quartiers aux anciens: Ex: le cas du Nord de la RD32 en traversée d'Ecommoy où nous devons penser voie douces vers la Gare, et voies "voitures" vers le nord où 80% des véhicules se dirigeront.
Ce modèle vaudra au PLUI pour toutes les communes desservies par gare(Ecommoy, laigné-ST gervais, Moncé plus tard)
Si la SNCF tient parole, pôle métropolitain aidant,si on peut avoir cette gare avec retournements à Ecommoy et cette augmentation des fréquences de dessertes*,nous aurons tous gagné en confort de vie .
En cela, le parking derrière la gare est un bon projet. Certes il augmentera la circulation rue de la tombelle, mais il adoucira un peu celle de la rue du général Leclerc et nourrira pragmatiquement ,en faveur des riverains de la RD32, la réflexion sur l'urbanisation du secteur et la voirie associée dans son ensemble
Les pollutions liées au nombre de véhicules, lui même corrélé au ratio de densification, seront maîtrisées et l'attrait pour notre ville pour toutes les générations sera assuré, donc également celle des patrimoines privés.
Réponse au PLUI? Tous gagnants à ECOMMOY, tout quartier,en matière de pollutions ? C'est possible , travaillons y .

* communication de M.St.Geraud au dernier conseil municipal.



Pascal a dit…

Bonjour,

Depuis ce billet, je m'interroge sur l'origine de cet objectif des 20% de logements sociaux, dans une petite ville comme Ecommoy. Je suis donc allé chercher des explications sur la loi "SRU" qui, je crois, est à l'origine de cette exigence. Je les ai trouvées sur le site du ministère du logement (http://www.territoires.gouv.fr/renforcement-de-la-loi-sru) mais, elles ne semblent pas s'appliquer au cas d'Ecommoy. Je cite :

Les communes soumises à la loi SRU

L’article 55 de la loi SRU instaure un seuil minimal de 20 % de logements sociaux à atteindre dans certaines communes. Sont concernées, les communes qui comptent au moins 3 500 habitants (1 500 en Ile-de-France), et qui sont situées dans une agglomération ou un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre d’au moins 50 000 habitants, comptant une ville de plus de 15 000 habitants.

La loi du 18 janvier 2013 a étendu cette obligation aux communes dites « isolées », c’est à dire n’appartenant pas aux agglomérations ou EPCI définis ci-dessus, mais qui ont plus de 15 000 habitants et qui sont en croissance démographique.

Le décret du 1er aôut 2014 fixe la liste des agglomérations, des EPCI et des communes isolées, assujettis à une obligation de 20 % de logements sociaux.

Cette même loi a par ailleurs porté le taux légal de 20 à 25 % dans les secteurs qui nécessitent une production de logements sociaux supplémentaires. Ce taux doit être atteint en 2025.

Ecommoy n'étant clairement ni une commune isolée de plus de 15.000 habitants, ni dans une Communauté de Commune d'au moins 50.000 habitants, en quoi est-elle concernée par cette loi ?

Merci,

Pascal Gaulin.

Sébastien Gouhier a dit…

Bonjour,

Comme je le dis dans le billet, c'est le Schéma de cohérence territoriale du Pays du Mans, auquel nous avions obligation de nous rattacher, qui nous impose cet objectif. Ce n'est pas l'article 55 de la loi SRU dont les médias parlent tant. Le SCOT tire son pouvoir de la même loi, et surtout de celle dite du Grenelle II de 2010. Au code de l'urbanisme, cela donne ceci :


Article L122-1-7

Créé par LOI n° 2010-788 du 12 juillet 2010 - art. 17

"Le document d'orientation et d'objectifs définit les objectifs et les principes de la politique de l'habitat au regard, notamment, de la mixité sociale, en prenant en compte l'évolution démographique et économique et les projets d'équipements et de dessertes en transports collectifs. Il précise les objectifs d'offre de nouveaux logements, répartis, le cas échéant, entre les établissements publics de coopération intercommunale ou par commune ;"


NB : Selon les spécialistes du GRIDAUH (Groupement de recherche sur les institutions et le droit de l'aménagement, de l'urbanisme et de l'habitat) : "les objectifs d'offre nouvelle incluent nécessairement l'offre de logements sociaux"