mercredi 24 novembre 2010

Actualités sur le don d'organes

La ville d'Ecommoy et les caisses locales du Crédit Agricole ont organisé une conférence sur les dons d'organes le 19 novembre dernier. L'occasion était idéale pour moi de rappeler au public les progrès juridiques qui sont en discussion actuellement.


Depuis le milieu du 19ème siècle en effet, le canton d'Ecommoy accueille les enfants de la ville de Paris placés dans les familles du Bélinois, ou et selon les périodes, avec des foyers d'accueil et de nourrice pour les plus petits. C'est dire si beaucoup ont su ici « donner », donner de l'amour.
A mes yeux, la plus grande richesse d'Ecommoy, c'est donc d'être une ville de la « seconde chance » pour les enfants. Et il y a d'ailleurs ici de quoi les rendre heureux, avec toutes les infrastructures que l'on peut souhaiter (loisirs transports éducation santé) et un cadre apaisant et de qualité.

On dit parfois que recevoir un don d'organe c'est avoir une seconde naissance, peut-être que cela rend un peu à nouveau enfant, les témoins vont sans doute en parler, et c'est un point très important de la soirée je pense, que d'entendre les témoignages devant une vaste assemblée.

C'est bien dans un débat national que nous sommes engagés en ce moment à propos des dons d'organes, plus largement de ce que la science peut apporter comme espoir, et comment l'on peut vaincre nos réticences et nos craintes parfois ancestrales en la matière.
En effet, un projet de loi présenté en conseil des ministres le 20 octobre 2010, et prochainement débattu au Parlement, va compléter et réviser les lois bioéthiques de 1994 et 2004, pour, entre autre progrès, donner un élan supplémentaire aux dons d'organes. Le don d'organe est aujourd'hui licite en France.
La science permet, et surtout elle autorise le don d'organe. Car il ne suffit pas de posséder la technique, il faut aussi avoir l'autorisation de la société pour y recourir. Et cette autorisation s'est longtemps heurtée à l'ignorance scientifique et donc aux croyances ! Or, quel chemin parcouru depuis la France des débuts du christiannisme croyant en la résurrection de la chair si fortement que la destruction du corps était le châtiment des hérétiques. Etudier les organes des trépassés était interdit jusqu'à la Renaissance. Et après tout pour quoi faire ? Prolonger la vie au-delà de ce que Dieu a programmé, est-ce convenable pour le croyant ? Les organes sont-ils interchangeables sans risque ? Sont-ils parés des vertus de l'être défunt, en ce cas, sont ils à même de contaminer (crainte) ou au contraire de renforcer (espoir cannibalisme rituel) le receveur ? Au fond, ne sommes nous pas influencés par la peur des apprentis sorciers, les Dr Frankenstein ? Selon la Réforme protestante, la résurrection de la chair n’est pas un enjeu majeur : seule l’espérance en Dieu peut sauver et celui-ci offre une nouvelle vie indépendamment de l’état du corps.
L’église catholique, longtemps fermée, recommande l’inhumation mais n’interdit plus par exemple la crémation depuis le 8 mai 1963 (article 1176-3 du Code de Droit Canon).
L’église orthodoxe prohibe toute atteinte post mortem au corps. Toutefois, l’église orthodoxe de Grèce admet la pratique de la crémation depuis 2006.
D’autres confessions chrétiennes sont tout aussi réservées : c’est le cas notamment des églises adventistes et presbytériennes. Pour les croyants juifs, il y a un devoir de rendre à Dieu le corps dans l’état où il se trouve.
Pour les croyants musulmans, la sainteté du corps ne diminue pas avec la mort, ce qui fait souffrir un vivant peut aussi faire souffrir un mort. Il s’agit de permettre au corps de pouvoir ressusciter et c’est un devoir pour les croyants que de veiller au respect du corps d’un défunt.
Mais Dieu lui même n'est-il pas mort aujourd'hui ? Selon un sondage CSA-Le Monde des religions réalisé en 2006 auprès de personnes se déclarant catholiques, seulement 10 % des personnes interrogées disent croire à la résurrection des corps. Aujourd'hui, deux-tiers des français se déclarent catholiques, mais seulement 40% se disent croyants.
Si Dieu est mort (mais il faudra établir ce qu'est médicalement cet instant avant de pouvoir lui prélever un organe afin de ne pas avoir de problème avec la famille...), en revanche la morale, l'éthique ne l'est certainement pas. Et le corps reste sacré pour la loi qui encadre très rigoureusement la possibilité de donner et de recevoir.
Les trois principes du don tiennent finalement en trois points : le don est gratuit, anonyme, et librement consenti.
Mais, aujourd'hui, ce n'est plus la religion qui fait peur, c'est la science, qui va presque trop vite, à faire, peut-on imaginer, transformer la médecine en mécanique. Et c'est la qu'intervient la future loi sur deux points.
Nouveauté du projet de loi:
Le projet vise à rassurer les familles et les donneurs parce que des pratiques se développent qui consistent à prélever les organes très (trop) vite après un décès, en particulier dans les cas de décès par arrêt cardiaque (technique pratiquée jusque dans les années 80 puis stoppée). De plus en plus, on prélève de nouveau « à coeur arrêté », dans les 5 heures maximum après l'arrêt. Le problème est qu'un arrêt cardiaque, n'est pas le seul critère suffisant d'une mort certaine et que certains craignent que l'on puisse être déclaré un peu trop vite décédé, surtout si l'on figure sur le fichier des donneurs.
Pour que la mort médicale soit constatée légalement, cela suppose la réunion de trois éléments : la mort cérébrale doit être caractérisée par la présence de trois signes cliniques : « 1° Absence totale de conscience et d'activité motrice spontanée ; 2° Abolition de tous les réflexes du tronc cérébral ; 3° Absence totale de ventilation prolongée » (CSP, art. R. 1232-1) (selon la jurisprudence est l'état de la « personne » dont le système cérébral peut être considéré, par des artériographies et par des électroencéphalogrammes convergents, comme irrémédiablement détruit. La mort est la mort cérébrale. Ces définitions sont devenues indispensables lorsque des patients ne sont plus passés de l'autre côté par « saut brusque » mais par lente dégradation des fonctions vitales (comas).
Ce que la loi prévoit déjà comme garantie essentielle est la séparation entre l'équipe des médecins qui constate le décès et celle qui effectue le prélèvement ou la greffe (CSP, art. L. 1232-4)
Le Conseil d'Etat a rédigé un rapport sur la révision des lois de bioéthique remis le 9 avril 2009. Il a pensé à une autre précaution consistant à prévoir que les prélèvements ne soient effectués qu'après « une tentative de réanimation d'une ampleur et d'une durée telles que son absence de succès permette de conclure à l'irréversibilité de la mort ». La seconde garantie aurait pour objet de mentionner explicitement que les patients dont les soins ont été arrêtés en fin de vie ne peuvent faire l'objet d'un prélèvement d'organe, « même dans l'hypothèse où ils auraient préalablement donné leur accord ».
L'autre point concerne les dons entre vivants. On pourrait penser que cela n'est pas au cœur de notre préoccupation de ce soir, car ces dons ne sont possibles qu'entre personnes de la même famille, ou les personnes ayant vie commune depuis au moins deux ans (Article L1231-1 CSP). Actuellement, ces dons ne concernent que 5,6% des greffes. Mais, ce type de dons entre vivants pourrait se développer et permettre de combatte la pénurie de greffons prélevés sur des défunts. Il s'agirait de légaliser un système de « dons croisés ». En effet, on observe que bien des dons entre vivants ne peuvent pas se faire en raison des incompatibilités de groupes sanguins ou immunologiques entre ces vivants. Mais si l'on mutualise un fichier des donneurs et receveurs familiaux en situation de blocage, on pourrait accroitre considérablement le nombre de certaines greffes. On pourrait ainsi augmenter de 25 à 50% le nombre de greffes rénales réalisées chaque année.
Voilà qui donne de l'espoir.

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