dimanche 22 novembre 2009

Discours du 11 novembre : presque chez Marina

L'an passé nous fêtions le 90ème anniversaire de la fin du conflit 14/18. Et nous avions associé les jeunes ici même à nos messages d'espoir. Nous annoncions vouloir le faire chaque année autour de projets pédagogiques. Mais des évènements de la fin de l'été ont jeté le froid sur nos projets. L'an passé, à cette même date, nous avions le cœur à la joie, de penser à un avenir de paix fondé sur la transmission du souvenir. Nous n'avons plus à craindre l'ennemi extérieur.

Cette année, mon sentiment est bien différent. Et je l'avoue, je n'ai pas complètement la tête à penser comme d'habitude aux soldats que nous avons perdus. Qu'ils reposent en paix, j'espère pour eux qu'ils n'ont pas su ce qui s'est passé ici.

Comment pourrions-nous penser seulement à notre commémoration du 11 novembre alors que nous nous tenons à quelques mètres du lieu où une enfant de la commune est tombée, martyrisée par un ennemi intérieur. Un ennemi qui ne cède pas devant les assauts et les bombardements, un ennemi qui se cache, qui affabule, un ennemi pire que l'ennemi extérieur qui, lui, respecte au moins le droit de la guerre et fait des prisonniers.
Cet ennemi là, c'est l'ennemi que nos générations ont à combattre en cette période de difficulté sociale. C'est l'ennemi qui de l'intérieur, ronge l'esprit. Il se nourrit de la violence subie dans le passé, souvent violence physique. Il se nourrit des frustrations non exprimées, c'est la violence sociale présente.
Il fait son lit de l'isolement et de la désagrégation des familles, de la recomposition de foyers que l'on n'ose pas appeler « familiaux » tant on est loin de la définition de la famille qui aime et qui protège.

Au final, l'ennemi intérieur tue. Il assassine des enfants.

Marina est arrivée à la toute fin de sa vie à Ecommoy. J'aimerais un jour pouvoir dire, « elle est arrivée chez nous trop tard ». J'aimerais en effet que notre commune soit un paradis pour les enfants, un sanctuaire dont les gardiens seraient les adultes, de tous les âges. Qu'on aide les parents à être parents, que l'on dise aux anciens qui n'ont plus la joie de l'enfance auprès d'eux : « vous avez votre place dans notre société pour encadrer les jeunes et leur transmettre votre expérience". Que l'on propose de l'aide aux devoirs pour les élèves, des groupes de paroles pour les adultes etc. Peu importe comment on organiserait dans le détail ces activités. Ce qui compte, c'est ce que l'on veut faire dans notre territoire. Ce qui compte c'est de se mettre au travail pour construire un projet social, et d'être convaincu que l'on peut aider.
Avoir une enfant différente, avoir une progéniture nombreuse qui sollicite trop les nerfs alors que l'univers du travail n'aide pas à faire face à ses problèmes, ne doit pas conduire à la violence. La répression n'y change rien. L'ennemi intérieur est plus fort que la peur du gendarme.
La seule action efficace est préventive, elle réside dans le sérieux des services sociaux. Avons-nous des services sociaux avec des moyens convenables, moyens matériels et moyens légaux ? La justice aura à faire un audit de la situation, car il faudra bien dire pourquoi malgré une situation connue de diverses institutions, une enfant a pu tombée sous les coups. Était-il normal que la gendarmerie d'Ecommoy ne sache rien, que la mairie ne sache rien ? La voix de l'enfant réclame des comptes. Comment ne pas être indignés avec elle, comment ne pas s'associer à sa démarche ? Elle demande d’établir le droit d’ingérence pour les assistantes sociales chargées des enquêtes. Car il est impossible de constater les mauvais traitements quand la loi impose une prise de rendez-vous avant chaque visite.

La directrice de La voix de l'enfant, Martine Brousse, a dit ceci :

« Ils (les services sociaux) sont indirectement responsables. Quand ils disent aujourd’hui qu’ils manquent de moyen, j’aimerais savoir pourquoi ils ne dénoncent pas cet état de fait plus souvent comme beaucoup d’autres professions ? La responsabilité dans la mort de Marina est collective. Nous devons tous nous remettre en question et ne surtout pas déclarer que, dans cette affaire, le travail a été bien fait car c’est faux : un enfant est mort ! Les travailleurs sociaux se sont rendu plusieurs fois au domicile de la famille de
Marina. La fillette n’était pas là. Pourtant ils n’ont pas cherché à la rencontrer. Nous militons depuis des années pour que ce genre de visites se fasse à l’improviste. Pourquoi envoyer des courriers auparavant ? Bien souvent les enfants victimes de maltraitance se trouvent dans la pièce d’à côte. C’était le cas de Marina mais également celui du petit Dylan. Ce qu’il faut appliquer en matière de protection de l’enfance c’est le principe de précaution. Dès qu’une enquête commence, il faut placer les enfants. Le doute profite toujours à l’adulte et jamais à l’enfant. Ce n’est plus acceptable. »

Je réponds :
Si la voix de l'enfant a besoin de ma voix de maire, je la lui prête volontiers. Je suis à sa disposition pour que les choses évoluent ici en Sarthe, dans un département où la souffrance est toujours intériorisée, où l'on pratique plus qu'ailleurs la violence sur soi même et la violence sur ses proches. Demandons à notre département l'ouverture de centres pluridisciplinaires auprès de l'hôpital comme il en existe dans d'autres départements. Appuyons les revendications de la voix de l'enfant qui préconise d’organiser l’ensemble des travailleurs sociaux en réseau : « la Caisse primaire d’allocations familiales, la Sécurité sociale, l’Education nationale, les forces de l’ordre, les équipes médicales, toutes les structures pouvant permettre de suivre les enfants doivent travailler ensemble ».
Je vous remercie pour votre attention.

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