samedi 23 mars 2013
Belipa, les coulisses du drame
Je me suis exprimé largement cette semaine dans les médias sur la reprise ratée de l'usine Belipa. Aussi, je souhaite ici évoquer les coulisses de ce qui a presque constitué un feuilleton.
Initialement, la date limite pour le dépôt des dossiers de reprise était fixée au 31 janvier 2013. Il y avait eu un premier report sans difficulté apparemment, mais seulement jusqu'au 20 février il est vrai. Qui a décidé ces dates ? Avec quelle concertation ? Je ne le sais pas.
Toujours est-il que, le 22 février un cadre me dit qu'il y a eu des dépôts et qu'il se bat encore pour que des offres sérieuses voient le jour malgré cette date fatidique de remise des offres dépassée.
A ce moment, il espère sans doute obtenir le report de la vente aux enchères car il est en contact depuis quelques jours, avec un repreneur potentiel crédible. Impossible d'en savoir davantage. En fait, nous savons maintenant que l'ancien patron de la SCIAE est venu visiter l'usine plusieurs fois en février. Ce patron modèle qui a mené sa PME 35 ans à Dienville dans l'Aube, c'est du lourd. Mais, il est tenu par une clause de non concurrence souscrite au cours de la vente de son ancienne entreprise fin 2010, clause qui court sur 3 ans...
Le 26 février, je reçois des salariés à la mairie, et je tente d'être rassurant au vu de ce que ce cadre m'a dit. Même si ce n'est pas très concret, il y a plusieurs entrepreneurs qui semblent être dans la course. Sachant qu'un ou plusieurs projets sont encore sur les rails, je n'envisage pas que la justice puisse ne pas en tenir compte.
Le 4 mars je découvre avec stupeur que la vente aux enchères est annoncée par la presse, elle est même en ligne sur Internet. Un mail que j'envoie à mes adjoints depuis mon lieu de vacances atteste que nous sommes surpris. Le lendemain j'écris à Sarthe Développement, et je reçois une réponse le 7 mars m'apprenant l'existence du projet en ameublement.
Le 12 mars au matin, un écomméen rencontré sur le marché qui connaît très bien la Belipa et la filière bois me dit qu'il y a un repreneur, il n'en dit pas davantage.
Qeulques heures plus tard, Sarthe Développement me parle verbalement du repreneur. Il ne faut pas ébruiter son nom, mais se préparer à peut-être lui donner un peu d'oxygène pour la partie bâtiment du projet. Toutefois, « il n'est pas demandeur ». Finalement son nom m'est donné, rien de plus, heureusement Internet permet de presque tout retrouver... Tout se jouera lors de la vente, si le repreneur peut offrir plus que le total de ce qui aura été attribué à la criée.
Le 13 mars, en réunion de majorité du conseil municipal, j'avise mes colistiers de mon intention de soutenir autant qu'il faudra le projet du repreneur.
Le jeudi 14 mars je saisis le bureau communautaire de la Communauté de communes de la nécessité de se tenir prêts à prendre les bâtiments en location au cas ou la SECOS (Conseil Général de la Sarthe) deviendrait propriétaire des bâtiments pour aider Lavandier. J'avise le jour même Sarthe Développement que la CCOBB ou la commune s'engagent à prendre les bâtiments en location.
Le mardi 19, aux premières heures de la vente, M. Lavandier m'est enfin présenté. Il est très pessimiste. Il a vu qui étaient les autres acheteurs présents et il a compris que les machines vont se vendre cher pour partir dans les pays de l'Est.
Je lui demande s'il a envisagé une aide extérieure pour le portage des bâtiments. Il ne relève pas car son offre est « globale ». Personne ne m'a encore dit à combien se monte son offre. Depuis le début de cette histoire, les techniciens qui ont travaillé avec M. Lavandier ont bien tenu son secret.
Le mercredi matin du 20 mars, au second jour de la vente, nous tenons une réunion de crise dans les bureaux de l'usine, pendant que les requins se livrent à la curée autour du commissaire priseur. M. Lavandier semble assailli de regrets. Il n'a pas pour habitude, pas pour principe, de solliciter l'aide extérieure. D'ailleurs sa capacité financière n'est pas le problème.
Il ne veut pas de charges supplémentaires dans son projet. On lui assure que les collectivités ne lui porteraient le bâtiment que quelques temps, avec des loyers minimes, que notre intérêt à tous est que ce site redémarre au plus vite ! Des subventions sont mises sur la table, je joins un décideur régional par téléphone. Sarthe Développement abat ses cartes pour des aides départementales, comme dans une partie effrénée. Mais pour M. Lavandier, cela semble s'apparenter à du poker. Après tout, il ne nous connaît pas. Il a connu des affaires qui n'ont pas pu bénéficier des promesses faites...
Et puis surtout, ce qui le choque c'est que de l'argent soit ainsi jetée dans les poches des créanciers au delà du nécessaire sans que l'emploi vienne en compte, alors que c'est pour contrer le départ des machines vers l'Est, que l'on s'appauvrit, lui et nous ! Cela lui semble inconcevable, je crois qu'il en fait une question d'honneur, d'intégrité. Alors que pour nous, l'honneur n'existe plus à cet instant précis, nous sommes comme l'amant suppliant son âme-soeur qu'il voit s'éloigner.
M. Lavandier espère faire admettre au mandataire que, sans les machines, les bâtiments n'auront quasi plus de valeur, qu'il peut donc lâcher du leste (beaucoup trop hélas) sur le montant demandé pour les bâtiments. Des coups de fil s'échangent encore pendant de longues minutes, comme des soubresauts agitent un accidenté de la route qu'on ne peut plus desincarcérer dans les délais vitaux.
A 15 heures, le commissaire priseur fait les comptes et, tel un Jean-Pierre Foucault demande au candidat Lavandier s'il a un dernier mot ? Le costume de ce présentateur est magnifique, le show a été grandiose, l'émotion a été intense, vraiment on s'en souviendra longtemps !
M Lavandier jette l'éponge. Je me sens comme l'eau du bain, un bain qui aura été sanglant ce jour là. Je comprends mieux à présent ce que doit ressentir un chirurgien qui perd un patient sur le billard.